Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/474

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ribles laissent dans le cœur un poison mortel, surtout dans un cœur prétendu philosophe.

Voici un petit mémoire[1] pour M. Secousse. Je vous prie, vous ou ma nièce, de le lui faire parvenir le plus tôt que vous pourrez. Il faut que M. Secousse me dise tout ce qu’il sait. J’ai bien plus d’obligation à M. le maréchal de Noailles que je n’espérais. M. le maréchal de Belle-Isle me promet aussi des secours ; mais probablement ils ne pourront venir qu’après la nouvelle édition à laquelle je fais travailler, sans relâche, à Leipsick. Je suis toujours émerveillé des progrès que notre langue a faits dans les pays étrangers : on est en France de quelque côté que l’on se tourne. Vous avez acquis, messieurs, la monarchie universelle qu’on reprochait à Louis XIV, et qu’il était bien loin d’avoir. Tâchez donc de ne point avoir des sifflets universels pour vos querelles[2] ridicules, qui vous couvrent de plus de honte aux yeux de tous vos voisins que les chefs-d’œuvre du temps de Louis XIV ne vous ont acquis de gloire. Ô Athéniens ! on vous lit, et on se moque de vous !

Mes anges, je me mets toujours à l’ombre de vos ailes.


2406. — À M. LE MARQUIS D’ARGENS.
Potsdam, août.

Ou je me trompe, mon cher Isaac, ou M. de Prades[3], que je ne veux plus nommer abbé, est l’homme qu’il faut au roi et à vous. Naïf, gai, instruit, et capable de s’instruire en peu de temps, intrépide dans la philosophie, dans la probité, et dans le mépris pour les fanatiques et les fripons ; voilà ce que j’ai pu juger à une première entrevue. Je vous en dirai davantage quand j’aurai le bonheur de vous voir.

Je n’ai jamais été si malade que je le suis aujourd’hui, sans cela j’irais chez vous. Venez me voir, il est nécessaire que je vous parle ; votre visite ne nuira point à vos projets de ce soir ; je sais taire les faveurs et les rigueurs. Venez, ce sera une bonne fortune dont je ne me vanterai à personne. Comptez que vous trouverez un moine de qui vous n’aurez jamais à vous plaindre,

  1. Voltaire demandait à Secousse des renseignements sur le mariage secret de Bossuet. Voyez cet article dans le Catalogue des écrivains du siècle de Louis XIV. Denis-François Secousse, né en 1691, mourut à Paris, sa ville natale, en 1754.
  2. Relatives aux billets de confession.
  3. Prades (Jean-Martin de), né en 1720, mort en 1782, archidiacre de Glogau ; voyez le Tombeau de la Sorbonne, tome XXIV, page 17.