Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/482

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

résistance si longue nous vaudra dans la suite plus de tranquillité. Ainsi soit-il.

J’ai lu trois fois consécutives avec délices votre Louis XIV. J’envie le sort de ceux qui ne l’ont pas encore lu, et je voudrais perdre la mémoire pour avoir le plaisir de le relire. Votre Duc de Foix m’a fait le plus grand plaisir du monde ; la conduite m’en paraît excellente, les caractères bien soutenus, et la versification admirable. Je ne vous parle pas de Lisois, qui est sans contredit un des plus beaux rôles qu’il y ait au théâtre ; mais je vous avouerai que le duc de Foix m’enchante. Avec combien d’amour, de passion, et de naturel, il revient toujours à son objet, dans la scène entre lui et Lisois, au troisième acte ! En écoutant cette scène et bien d’autres de la pièce, je disais à M. de Voltaire, comme la prêtresse de Delphes à Alexandre : A ! mon fils, on ne peut te résister[1]. On nous flatte de remettre Rome sauvée après la Saint-Martin ; vos amis et le public seront charmés de la revoir ; mais ils aimeraient encore mieux revoir votre personne. Je suis fâché, pour l’honneur de notre nation et de notre siècle, que vous n’ayez pu dire comme Cicéron :


Scipion, accuse sur des prétextes vains,
Remercia les dieux, et quitta les Romains.
Je puis en quelque chose imiter ce grand homme ;
Je rendrai grâce au ciel, et resterai dans Rome.

(Rome sauvée, acte V, scène iii.)

Il ne me reste de place que pour vous réitérer mes remerciements, et vous prier de penser quelquefois au plus sincère de vos amis, et au plus zélé de vos admirateurs.


d’Alembert.

2417. — À LA PRINCESSE ULRIQUE[2],
reine de suède.
Potsdam, ce 25 août (1752).

Madame, Louis XIV ne savait pas tout le bien qu’il devait me faire un jour : il m’attire de la part de Votre Majesté des bontés qui sont assurément la récompense la plus flatteuse de mes ouvrages. Je n’attends pas le moment de ma convalescence pour remercier Votre Majesté de ma main : j’attendrais peut-être trop longtemps, et mes sentiments ne peuvent tarder à se manifester.

Dans le grand nombre des services que Votre Majesté rend à ses royaumes, on comptera sans doute le soin qu’elle prend de

  1. C’est ainsi que traduit Fontenelle (Histoire des Oracles, chapitre xiii). Les paroles de la prêtresse de Delphes, rapportées par Plutarque (Vie d’Alexandre ; 14, de Reiske, 19, de Ricard), sont traduites littéralement par Amyot et par Ricard : Tu es invincible.
  2. Éditeur, V. Advielle.