Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

j’en frémis encore. Fulvie vous déchirera le cœur, vous adorerez Cicéron. Que vous aimerez César ! que vous direz : Voilà Caton ! Et Lucullus, Crassus, qu’en dirons-nous ?

mes chers anges ! Mérope est à peine une tragédie en comparaison ; mais mettons au moins huit semaines à corriger ce que nous avons fait en huit jours. Croyez-moi, croyez-moi, voilà la vraie tragédie. Nous en avions l’ombre, mais il s’agit qu’elle soit aussi bonne que le sujet est beau.

J’ai fait à peu près ce que vous avez voulu pour Nanine ; c’est l’affaire de deux minutes.

Adieu, adieu ; ma tendresse pour vous est l’affaire de ma vie. Mme du Châtelet vous fait mille compliments. Portez-vous comme elle, et perdez moins à la comète[1] qu’elle et moi.

P. S. Je suis peu de votre avis, messieurs, sur bien des points qui concernent Adélaïde ; mais c’est pour une autre fois. Réservons-la comme un pâté froid : on le mangera quand on aura faim.


1992. — À M. LE PRÉSIDENT HÉNAULT.
À Lunéville, ce 14 août.

Nous l’attendons avec impatience, ce présent dont mon illustre confrère nous veut bien flatter ; ce livre[2] qu’il faudra réimprimer tous les ans, celui de tous les livres où l’on a dit le plus de choses en moins de paroles, qui soulage la mémoire, qui éclaire l’esprit, où tout est peint d’un trait, et d’un trait profond, plein de recherches singulières, de vérités utiles, de réflexions qui en font faire, ce livre enfin que j’aime à la folie.

Je vous demande pardon d’avoir oublié mon saint Paul, mais je lui aurais fait la même objection qu’à vous ; et je soupçonne qu’on l’a mal transcrit en cet endroit. C’est ce qu’assurément je ne vérifierai pas. Mais, en attendant que j’aie sur cela une conversation profonde avec mon voisin dom Calmet, j’achèverai, s’il vous plaît, mon Catilina, que j’ai ébauché entièrement en huit jours. Ce tour de force me surprend et m’épouvante encore. Cela est plus incroyable que de l’avoir fait en trente ans[3] On dira

  1. Voyez une note sur la lettre 1912.
  2. Le Nouvel Abrégé chronologique de l’Histoire de France, édition de 1749, in-4°, ornée de vignettes historiques. Les éditions antérieures sont de 1744, 1746 et 1747. (Cl.)
  3. Allusion au temps employé par Crébillon à la composition de son Catilina, joué à la fin de 1748.