Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/511

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sa conduite dure et hautaine n’a pas ramené ces ennemis. J’ai d’autant plus sujet de me plaindre de lui que j’ai fait tout ce que j’ai pu pour adoucir la férocité de son caractère. Je n’en suis pas venu à bout. Je l’abandonne à lui-même ; mais, encore une fois, je n’entre pour rien dans les querelles qu’il se fait, et dans les critiques qu’il essuie. Je suis plus malade que lui, et je reste tranquillement à Potsdam, tandis qu’il va chercher ailleurs la santé et le repos.

Je voudrais de tout mon cœur être dans votre voisinage ; ce n’est pas sans regret que je goûte le bonheur de vivre auprès d’un roi philosophe. Je suis né si sensible à l’amitié que je serais encore ami quand même je serais courtisan.

Vraiment je serais très-obligé à M. Deslandes[1], s’il voulait bien me favoriser de quelques particularités qui servissent à caractériser les beaux temps du gouvernement de Louis XIV. M. Deslandes est citoyen et philosophe : il faut absolument être philosophe, pour avoir de quoi se consoler, dès là qu’on est citoyen. Je vous embrasse, et vous prie de ne point cesser de m’aimer, malgré Maupertuis[2].


2448. — À M. ROQUES[3].

Si ceux qui font des critiques avaient votre politesse, votre érudition, et votre candeur, il n’y aurait jamais de guerres dans la république des lettres ; la vérité y gagnerait, et le public respecterait plus les sciences. Je vous remercie très-sincèrement, monsieur, des remarques que vous avez bien voulu m’envoyer sur le Siècle de Louis XIV. Je pourrais bien m’être trompé sur le premier article touchant Phalk Constance, dont vous me faites l’honneur de me parler. Je n’ai ici aucun livre que je puisse consulter sur

  1. Auteur du livre intitulé Réflexions sur les grands hommes qui sont morts en plaisantant. II était membre de l’Académie de Berlin, et il mourut en 1757.
  2. La Condamine n’en fit rien, et prit le parti de Maupertuis, qui s’était beaucoup moqué de lui. (K.) — L’abbé du Vernet, qui publia cette lettre à la suite de celles à l’abbé Moussinot, assure que La Condamine, quelques années avant sa mort, témoigna, devant lui, son repentir d’avoir cessé d’être en liaison avec Voltaire à l’occasion de Maupertuis ; lui dit qu’il désirait une réconciliation, et l’engagea à en préparer les voies ; qu’ayant en effet transmis cette disposition de La Condamine à M. de Voltaire, celui-ci y répondit par une lettre très-honnête et très-amicale, que l’abbé du Vernet remit lui-même à M. de La Condamine, et qu’on a dû retrouver dans les papiers de ce dernier. Voyez la lettre de Voltaire à du Vernet, du 24 juillet 1774.
  3. Voyez tome XV, page 89. Cette lettre, sans date dans l’édition de Kehl, y est classée au mois d’avril. Elle est datée du 28 octobre dans l’édition de Bâle.