Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/544

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cohue, et moi j’en fais en vers et en prose dans ma retraite.


Scit genius, natale comes qui temperat astrum[1].


Je vous assomme toujours de citations d’Horace, On ne le cite guère à Fontainebleau et à Brunoy : c’est pourtant le meilleur prédicateur que je connaisse ; il est prédicateur de cour, de b…, et de bon goût, et surtout du repos de l’âme. Il sait


Quid te tibi reddat amicum[2].


Il savait vivre avec Auguste et Mécène ; et sans eux, il avait son Sabine, comme M. de Valori a son Estampes. Vous n’êtes pas encore


Ruris amalor[3],


vous, monsieur le courtisan :


Miraris

Fumum et opes strepitumque Romæ[4]*.


Vous ne reviendrez donc qu’au printemps, et moi, je pourrai bien faire un petit tour dans ce temps-là, si je ne suis pas mort. Nous serons comme Castor et Pollux, nous n’aurons point paru sur le même hémisphère pendant deux ans ; mais je vous aimerais aux antipodes. Je me flatte que madame votre sœur a trouvé, par vos soins, l’établissement que vous désiriez tant pour elle. Peut-être à présent ne le désirez-vous plus. Et toujours Horace :


Quod petiit spernit, repetit quod nuper omisit[5].


Vous m’allez envoyer promener, me traiter de pédant : cependant vous m’avez paru assez content de mon dernier sermon dont ce philosophe voluptueux et libre m’avait fourni le texte ; vous en protiterez si vous voulez ou si vous pouvez. Conservez-moi votre amitié ; je vous ai été fidèle depuis le moment où je vous ai connu ; je le serai toujours. Ce ne sont pas les moines qui aiment leurs chambres, dont les autres moines aient rien à craindre. Pax Christi. Adieu ; je rendis à Mlle Le Comte votre lettre, et je suis à vos ordres en tout et partout.

  1. Horace, livre II, épître ii, vers 187.
  2. Id., livre I, épître xviii, vers 101.
  3. Id., livre I, épître x, vers 2.
  4. Id., livre III, ode xxix, vers 12.
  5. Id., livre I, épitre i, vers 98.