Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/561

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êtes cet officier général de l’état-major auquel le comte de Saxe écrivit avec cette brevitatem imperatoriam des anciens, en accourant à Ellenbogen en Bohême, où vous conteniez avec moins de six cents hommes, par le poste que vous aviez pris devant le château de cette place, les quatre mille Croates qu’il y fit capituler le lendemain : À homme de cœur, courtes paroles ; qu’on se batte, j’arrive. Maurice de Saxe.

Billet auquel vous répondîtes si énergiquement. Les sciences et les arts gagnent à être cultivés par les mains qui ont cueilli des lauriers. Frédéric fait de bons vers, le maréchal de Saxe des machines, et vous êtes mathématicien.

Recevez, comme bien démontrées, les assurances des sentiments respectueux avec lesquels j’ai l’honneur d’être, etc.


2496. — À M. LE CHEVALIER DE LA TOUCHE[1].
janvier 1753.
À vous seul.

Voici, monsieur, une aventure que je vous confie avec le secret qu’on me recommande et avec un abandonnement entier à votre protection et à vos conseils. J’ai renvoyé au roi ma clef, mon ordre et ma pension, à trois heures et demie. Il m’a envoyé Fredersdorff à quatre heures me dire de n’en rien faire, qu’il réparerait tout, et que je lui écrivisse une autre lettre. Je lui ai écrit, mais sans démentir la première, et je ne prendrai aucune résolution sans vos bontés et sans vos conseils. Comme j’ai eu l’honneur de vous prendre à témoin de mes sentiments dans ma première lettre, et que le roi sait que, selon mon devoir, je vous ai confié mes démarches, ce sera à vous à être arbitre[2] ; vous êtes actuellement un ministre de paix ; on la propose : dictez les

  1. Éditeur, Th. Foisset.
  2. Voici une note dont copie s’est retrouvée dans les papiers du chevalier de La Touche, et qui était probablement destinée par Voltaire aux journaux (voyez le quatrième alinéa de la lettre 2502), comme l’Avertissement qu’il adressa au libraire Walther de Dresde (n° 2515).

    « Le premier janvier, M. de Voltaire renvoya à Sa Majesté prussienne la clef d’or et le cordon de l’ordre dont le roi l’avait honoré, et se démit d’une pension de 20,000 livres et de tout ce qui lui est dû. Le roi lui envoya sur-le-champ le surintendant de sa maison, qui lui rendit sa clef, son cordon et ses brevets de pension. Le lendemain, le roi lui écrivit une lettre pleine de bonté, et M. de Voltaire, pénétré de respect et de reconnaissance, a persisté à supplier Sa Majesté de vouloir bien accepter sa démission entière et de lui conserver l’honneur de sa protection et de sa bienveillance, qu’il préférait à tous les biens et à tous les titres, lui alléguant que désormais il était inutile à Sa Majesté. On ignore encore si le roi de Prusse a accepté sa démission. »