Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/76

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bouge qui serait un palais. Je prévois bien qu’on ne pourra pas faire déloger sur-le-champ des locataires, et que je serai obligé de loger chez moi. Je vous avouerai même qu’une maison qu’elle habitait, en m’accablant de douleur, ne m’est point désagréable. Je ne crains point mon affliction ; je ne fuis point ce qui me parle d’elle. J’aime Cirey ; je ne pourrais pas supporter Lunéville, où je l’ai perdue d’une manière plus funeste que vous ne pensez : mais les lieux qu’elle embellissait me sont chers. Je n’ai point perdu une maîtresse ; j’ai perdu la moitié de moi-même, une âme pour qui la mienne était faite, une amie de vingt ans que j’avais vue naître. Le père le plus tendre n’aime pas autrement sa fille unique. J’aime à en retrouver partout l’idée ; j’aime à parler à son mari, à son fils. Enfin les douleurs ne se ressemblent point, et voilà comme la mienne est faite. Comptez que mon état est bien étrange. Enfin donc, mon adorable ami, je ne vous verrai que dans huit ou dix jours : c’est un surcroît d’affliction. Ayez la bonté, je vous en prie, de m’écrire à Saint-Dizier. Que je puisse, en arrivant, trouver Mme d’Argental en bonne santé, et je me croirai capable de quelque plaisir. Adieu, le plus aimable et le plus digne des hommes.


2019. — À M. WALTHER.
Septembre 1749.

Je vous envoie les pièces curieuses que j’ai recouvrées, et qui feront valoir votre édition. Il faut les mettre dans le huitième tome ou à la fin du troisième. Je vous conseille de les placer à la fin du troisième, parce que la tragédie de Sémiramis, avec le discours qui la précède, suffira pour compléter le tome huitième. Vous aurez incessamment cette tragédie de Sémiramis, qu’on joue depuis un mois à Paris avec un très-grand succès. Votre intérêt doit être d’en tirer des exemplaires à part avant de faire paraître l’édition totale ; vous en vendrez considérablement. Il y aura un petit avertissement dans lequel on annoncera les huit tomes, et on désavouera les autres éditions antérieures. Comptez que vous me remercierez du bien que je vous fais, et de la manière dont je conduis vos intérêts.


2020. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Châlons, le 3 octobre.

Je vous avais bien dit, mes adorables anges, que je voyagerais à petites journées. Me voici à Châlons ; j’irai passer deux ou