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J’espère vous présenter dans un an, si je vis, cette Histoire générale dont vous avez souffert l’esquisse. Je n’ai pas peint les docteurs assez ridicules, les hommes d’État assez méchants, et la nature assez folle. Je me corrigerai, je dirai moins de vérités triviales, et plus de vérités intéressantes. Je m’amuse à parcourir les petites-maisons de l’univers : il y a peut-être de la folie à cela, mais elle est instructive. L’histoire des dates, des généalogies, des villes prises et reprises, a son mérite ; mais l’histoire des mœurs vaut mieux, à mon gré ; en tout cas, j’écrirai sur les hommes moins qu’on n’a écrit sur les insectes[1].

Je finis pour reprendre l’histoire de Grotius, et pour avoir un nouveau plaisir. Conservez-moi vos bontés, monsieur, et soyez persuadé de la tendre estime de votre, etc.


3355. — À M.  LE MARQUIS DE FLORIAN[2].
Mai.

Mon cher surintendant des chars de Cyrus, j’ai oublié de vous dire qu’un petit coffre sur le char, avec une demi-douzaine de doubles grenades, ferait un ornement fort convenable. J’ai honte, moi barbouilleur pacifique, de songer à des machines de destruction ; mais c’est pour défendre les honnêtes gens qui tirent mal, contre les méchants qui tirent trop bien. On verra malheureusement, et trop tard, qu’il n’y a pas d’autre ressource.

On disait aujourd’hui Prague[3] prise ; je n’en veux rien croire. On m’assure que Frédéric a désarmé Nuremberg, et qu’il en exige huit cent mille florins d’empire : ce n’est pas là faire la

  1. Les Mémoires pour servir à l’Histoire des insectes, par Réaumur, sont en six volumes in-4o ; l’édition in-4o de l’Essai sur les Mœurs ne forme que trois volumes.
  2. Philippe-Antoine de Claris de Florian naquit à Sauve, en Languedoc, le 8 novembre 1707. Il était retiré du service depuis quelques années, lorsque, le 7 mai 1762, il épousa la nièce de Voltaire, Marie-Élisabeth Mignot, veuve de Nicolas-Joseph de Dompierre de Fontaine. Il se maria, dix ans plus tard, en secondes noces, à Mme  Rillet, et conclut un troisième mariage avec une demoiselle Joli, en 1774. Voilà pourquoi Voltaire, dans sa lettre du 22 janvier 1775, au chevalier de Florian, neveu du marquis, lui disait : « M.  de Florianet a eu bien des tantes. »

    Le marquis de Florian, frère aîné du père de l’auteur d’Estelle, était encore en correspondance avec Voltaire en 1778, comme le prouve une lettre que ce philosophe lui adressa de Paris à Bijou-Ferney, le 15 mars de la même année. (Cl.)

  3. Frédéric venait (6 mai) de gagner une grande bataille contre les Autrichiens, sous les murs de Prague.