Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/226

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pose une nièce qui fait le bonheur de ma vie. Je ne vous dirai pas :


Omitte mirari beatæ
Fumum et opes strepitumque Romæ,

(Hor., lib. III, od. xxii, v. 11-12.)


car vous êtes trop admirator Romæ et præstantissimæ Montmorenciæ.

Ne manquez pas, je vous prie, à présenter mes très-sensiles remerciements à Mme  la comtesse de Sandwich. Il faut qu’elle sache que j’avais connu ce pauvre amiral Byng à Londres[1], dans sa jeunesse ; j’imaginais que le témoignage de M.  le maréchal de Richielieu en sa faveur pourrait être de quelque poids. Ce témoignage lui a fait honneur, et n’a pu lui sauver la vie. Il a chargé son exécuteur testamentaire de me remercier, et de me dire qu’il mourait mon obligé, et qu’il me priait de présenter à M.  de Richelieu, qu’il appelle a generous soldier, ses respects et sa reconnaissance. J’ai reçu aussi un Mémoire justificatif très-ample, qu’il a donné ordre en mourant de me faire parvenir. Il est mort avec un courage qui achève de couvrir ses ennemis de honte.

Si j’osais m’adresser à Mme  la duchesse d’Aiguillon[2], je la prierais de venger la mémoire du cardinal de Richelieu du tort qu’on lui fait en attribuant le Testament politique. Si elle voulait faire taire sa belle imagination, et écouter sa raison, qui est encore plus belle, elle verrait combien ce livre est indigne d’un grand ministre. Qu’elle daigne seulement faire attention à l’état où est aujourd’hui l’Europe ; qu’elle juge si un homme d’État, qui laisserait un testament politique à son roi, oublierait de lui parler du roi de Prusse, de Marie-Thérèse, et du duc de Hanovre. Voilà pourtant ce qu’on ose imputer au cardinal de Richelieu. On avait alors la guerre contre l’empereur, et l’armée du duc de Weimar était l’objet le plus important. L’auteur du Testament politique n’en dit pas un mot, et il parle du revenu de la Sainte-Chapelle, et il propose de faire payer la taille au parlement. Tous les calculs, tous les faits, sont faux dans ce livre. Qu’on voie avec quel mépris en parle Aubery, dans son Histoire du cardinal Mazarin. Je sais qu’Aubery est un écrivain médiocre et un lâche flatteur ; mais il était fort instruit, et il savait bien que le Testament politique n’était pas du grand et méchant homme à qui on l’attribue.

  1. De 1726 à 1728.
  2. Voyez tome XXXIII, page 406.