Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/386

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est de quelque utilité, et ne dit pas un mot de l’enfer, ni de la très-sainte et individuelle Trinité, ce livre est imprimé à Genève. On ne le lit point, je l’avoue ; mais il existe. De quoi s’avisent aujourd’hui les prédicants de Genève de renier leur foi ? Craignent-ils de manquer de soutiens ? Ne pense-t-on pas comme eux dans toute l’Angleterre, dans la moitié de la Hollande, dans tous les États du roi de Prusse ? On touche à une grande révolution dans l’esprit humain, et on vous en a, monsieur, la principale obligation. L’article[1] dont on fait semblant de se plaindre est un coup important dont il ne faut pas perdre le fruit. Il démasque les ennemis de l’Église, et c’est beaucoup ; il les force, ou à s’avilir en reniant leur créance, ou à convenir tacitement qu’on ne les a pas calomniés. En un mot, il serait infâme que le Dictionnaire encyclopédique se rétractât d’une assertion avancée en connaissance de cause par un témoin oculaire. Il est de la dernière importance que M. d’Alembert continue à vous aider, et qu’on ne souffre dans le Dictionnaire rien de ce qu’on a dit dans l’article en question. Ne vous laissez entamer par personne, et songez qu’il faut faire justice des Garasses.


3534. — À M. THIERIOT.
Lausanne, 21 janvier.

Eh bien, mon ancien et tranquille ami, comment traite-t-on les cacouacs ? La guerre est donc partout ; et tandis qu’on s’extermine en Allemagne au milieu des neiges, on attaque de tous côtés les pauvres encyclopédistes à Paris. Je crois que je leur ai porté malheur en travaillant pour eux. Messieurs les prêtres de Genève se plaignent que M. d’Alembert leur fasse l’honneur de les ranger parmi les philosophes. Ils disent que ce nom n’a jamais convenu à gens de leur espèce, et ils demandent réparation. M. d’Alembert, de son côté, fatigué de toutes les criailleries de ses adversaires, et persécuté sourdement par les enfants d’Ignace, sans pouvoir plaire aux enfants de Calvin, renonce à l’Encyclopédie ; mais il faut espérer qu’il ne persistera pas dans son dépit. Il ne faut pas que le maréchal de Saxe quitte le commandement de l’armée parce qu’il a des tracasseries à la cour.

J’ai reçu l’Iphigènie que M. de La Touche a eu la bonté de m’envoyer. Nous pourrions bien la jouer cet hiver dans notre

  1. L’article Genève, par d’Alembert, dans l’Encyclopédie.