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CORRESPONDANCE.

la France et l’Autriche lui pardonnent, et qu’à la longue il ne succombe pas.

J’ai oublié le nom du premier écuyer du prince de Prusse, qui me venait voir quelquefois : ne vous en ressouvenez-vous point ? Il me semble qu’il était originaire de Saxe. Le général kiow l’était aussi ; mais je ne le crois point arquebusé, comme on l’a dit. Je ne crois point non plus au carcan de l’abbé de Prades. Comment, et en quoi aurait-il trahi le roi de Prusse ? Il n’était certainement auprès du roi, en campagne, que pour lui faire la lecture. Du moins le roi me l’a mandé ainsi, quatre jours avant la bataille de Rosbach. Il ne lui faisait point part de ses desseins militaires, qu’il ne confie pas même à ses officiers généraux ; il ne le chargeait pas de négociations. L’abbé de Prades n’avait pas plus de crédit à Breslau que vous et moi ; il n’y connaît personne. Je maintiens qu’il n’a pu trahir le roi de Prusse. Il aura écrit quelque lettre indiscrète ; et ce qui n’est point un crime ailleurs en est un dans ce pays-là, vu les circonstances présentes. Voilà ce que je pense : je crois l’abbé de Prades aussi mauvais chrétien que La Mettrie ; mais ce n’est point un traître. Je peux me tromper, j’attendrai que le temps me désabuse.

Le prince Henri m’a fait l’honneur de m’écrire de Dresde, où il est adoré. La princesse Amélie est allée à Breslau, ce qui m’étonne beaucoup. Mme  la margrave de Baireuth a une santé pire que la vôtre. Elle est enchantée des victoires de son frère ; mais elle craint les revers, et elle est lasse de tant de dévastations. Comptez qu’on doit se trouver très-heureux dans une douce retraite. Ce M.  Coste, dont vous me parlez, n’est-il pas parent du traducteur de Locke ?

Le papier me manque, Vale, et me ama. V.


3553. — À M.  TRONCHIN, DE LYON[1].
Lausanne, 12 février.

Si ce n’était par un excès de bonté que Son Éminence veut bien me confier la copie de sa lettre, je soupçonnerais un peu d’amour-propre. On ne peut écrire avec plus de dignité, ni avec plus de sagesse, ni dans une meilleure intention. Mais celui qui a écrit cette lettre est supérieur à l’amour-propre. Mes applaudissements lui feront moins de plaisir que la situation des affaires ne

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.