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ANNÉE 1758.

doit lui faire de peine. On est dans un labyrinthe dont on ne peut guère sortir que dans des ruisseaux de sang et sur des corps morts. C’est une chose bien triste d’avoir à soutenir une guerre ruineuse sur mer, pour quelques arpents de glace en Acadie, et de voir fondre des armées de cent mille hommes en Allemagne, sans avoir un arpent à y prétendre. J’aurais des volumes de réflexions inutiles à faire sur cette double position : c’est pourquoi je n’en fais point ; je me contente d’encourager la sœur et même le frère à se servir dans l’occasion de la voie déjà employée. Comptez qu’avant dix-huit mois la cour sera bien lasse des dépenses exorbitantes prodiguées pour des intérêts étrangers, contraires au véritable intérêt, dépenses encore augmentées par la déprédation la plus ruineuse. Alors on pourra écouter ceux qui proposeront un plan de pacification.

Vous avez déjà appris que le collet rouge de M.  l’abbé de Bernis est surmonté du collier de l’ordre. Ce collet fera bientôt place à une barrette.


3554. — À M.  LE COMTE DE TRESSAN.
Lausanne, 12 février.

J’ai pris l’énorme liberté, monsieur, de vous envoyer une bibliothèque complète de fatras imprimés à Genève, chez les frères Cramer ; je vous en demande bien pardon. J’aimerais mieux un quart d’heure de votre conversation que les dix-sept volumes[1] qu’on doit avoir l’honneur de vous adresser de ma part.

J’ai reçu une lettre assez singulière et des vers plus étranges d’un séminariste de Toul, nommé M.  Légier. Il se renomme de vous. Je n’ai pu lui faire réponse, parce que je suis très-malade. C’est tout ce que je peux faire que de vous écrire ces quatre lignes. Voici la copie[2] de ce qu’on lui répond pour moi.

Je vous présente mon respect et mon regret de mourir sans vous voir.

  1. Voici quelle était la distribution de ces dix-sept volumes in-8° : Tome Ier, la Henriade, avec les pièces relatives ; II, Mélanges de poésies, de littérature, d’histoire et de philosophie ; III, Mélanges de philosophie ; IV, Mélanges de littérature, d’histoire, et de philosophie ; V, Suite des Mélanges de littérature, d’histoire et de philosophie ; VI, Histoire de Charles XII, roi de Suède ; VII-X, Théâtre ; XI-XVII, Essai sur l’Histoire générale. (B.)
  2. « M.  de Voltaire, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, et ancien chambellan du roi de Prusse, n’a jamais demeuré à Ripaille en Savoie. Il a une terre sur la route de Genève et celle de France. Il ne connaît pas plus l’ode dont