Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/456

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
446
CORRESPONDANCE.

la personne du monde qui a l’esprit le plus aimable et le meilleur goût. Je n’ose vous prier de m’envoyer votre Grecque[1] ; mais je vous avoue pourtant que les lettres de la mère me donnent une grande envie de voir la Fille. Comptez, madame, sur la tendre et respectueuse amitié du Suisse V.


3608. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 19 mai.

Mon cher et respectable ami, je bénis actuellement les Anglais qui ont brûlé votre maison. Puissiez-vous être payé, et eux confondus ! Pardon de vous importuner de l’Encyclopédie. Vous aimeriez mieux une tragédie ; mais il faut que je m’adresse à vous, pour ne pas perdre mon temps. J’ai fait des recherches très-pénibles pour rendre les articles Histoire et Idolêtrie intéressants et instructifs ; je travaille à tous les autres. Mon temps m’est très-précieux. Ce serait me faire perdre une chose irréparable, m’outrager sensiblement, et donner beau jeu aux ennemis de l’Encyclopédie, d’avoir avec moi un mauvais procédé, tandis que je me tue à faire valoir cet ouvrage, et à procurer des travailleurs. Je vous demande en grâce d’exiger de Diderot une réponse catégorique et prompte. Je ne sais s’il entend les arts, et s’il a le temps d’entendre le monde. Mon cher ange, vous qui entendez si bien l’amitié, vous pardonnerez mes importunités.


3609. — À M. MARMONTEL.
Aux Délices, 19 mai.

Digne cacouac, fils de cacouac, fili mi dilecte, in quo bene complacui[2], grâces vous soient rendues pour vous être souvenu de moi dans votre planète de Mercure ! Quoique je ne sois plus de ce monde, j’apprends que votre bénéfice, qui n’est pas simple, est pourtant chargé de grosses pensions. Il y a plus de quinze ans que je n’ai lu aucun Mercure ; mais je vais lire tous ceux qui paraîtront. Je vous prie de me faire inscrire parmi les souscrivants. Quand vous n’aurez rien de nouveau, je pourrai vous fournir quelque sottise qui ne paraîtra pas sous mon nom, et qui servira à remplir le volume. Je vous embrasse de tout mon cœur, et je me réjouis avec le public de ce qu’un ouvrage si

  1. La Fille d’Aristide.
  2. Hic est filius meus dilectus, in quo mihi bene complacui (Matthieu, xvii, 5.)