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CORRESPONDANCE.

encore sur le profond respect et le tendre attachement du vieux frère ermite suisse.


Voltaire.

J’espère que monseigneur sera de mon avis.


3668. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Ramenau, 28 septembre 1758.

Je suis fort obligé au solitaire des Délices de la part qu’il prend aux aventures du don Quichotte du Nord : ce don Quichotte mène la vie des comédiens de campagne, jouant tantôt sur un théâtre, tantôt sur un autre, quelquefois sifflé, quelquefois applaudi. La dernière pièce qu’il a jouée[1] était la Thébaïde ; à peine y resta-t-il le moucheur de chandelles. Je ne sais ce qui arrivera de tout ceci ; mais je crois, avec nos bons épicuriens, que ceux qui se tiennent sur l’amphithéâtre sont plus heureux que ceux qui se tiennent sur les tréteaux. Quoique je sois par voie et par chemin, j’entends à bâtons rompus parler de ce qui se passe dans la république des lettres, et cette bavarde à cent bouches ne dit point ce que vous faites. J’aurais envie de crier à vos oreilles : Tu dors, Brutus. Voici trois ans écoulés qu’il ne paraît point de nouvelles éditions de vos ouvrages ; que faites-vous donc ? Au cas que vous ayez fait quelque chose de nouveau, je vous prie de me l’envoyer. D’ailleurs, je vous souhaite toute la tranquillité et tout le repos dont je ne jouis pas. Adieu.


Fédéric.

3669. — À MADAME LA COMTESSE DE LUTZELBOURG.
Aux Délices, 2 octobre.

Vos nouvelles de Choisy, madame, ne sont pas les plus fidèles. On a imaginé à la cour de bien fausses consolations. Il est bien triste d’être réduit à feindre des victoires. Les combats du 26 et du 27 sont bons à mettre dans les Mille et une Nuits. Il est très-certain que les Russes n’ont point paru après leur défaite du 25[2], et il est bien clair que le roi de Prusse les a mis hors d’état de lui nuire de longtemps, puisqu’il est allé paisiblement secourir son frère et faire reculer l’armée autrichienne, Croiriez-vous que j’ai reçu deux lettres de lui depuis sa victoire ? Je vous assure que son style est celui d’un vainqueur. Je doute fort qu’on ait tué trois mille hommes aux Anglais, auprès de Saint-Malo ; mais

  1. La bataille de Zorndorf ; voyez lettre 3658.
  2. Du 25 août ; voyez lettre 3658.