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ANNÉE 1758.

d’Ernest le Pieux. Je suis au désespoir qu’Altemhourg soit dans le chemin des méchants ; quand ce chemin sera-t-il libre ? Quand pourrai-je y venir faire ma cour à Vos Altesses sérénissimes ? Ce serait une belle occasion dans ma vieillesse, et la plus chère de mes consolations, de pouvoir renouveler à Vos Altesses sérénissimes mon profond respect et mon tendre attachement : c’est ce que demande à Dieu le Suisse V.


3680. — À MADAME LA COMTESSE DE LUTZELBOURG.
Au Délices, 17 octobre.

Et monsieur votre fils, madame, que devient-il ? J’ai toujours peur ; je vous prie de m’en dire des nouvelles. On parle de je ne sais quelles croquignoles que messieurs de Hanovre nous ont données près de Harbourg. Monsieur votre fils est toujours propre à s’être présenté là des premiers, et avoir fourré son nez plus avant qu’un autre. Je vous supplie, madame, de dissiper mes inquiétudes. Je vais à Lausanne dans le moment. Je voudrais bien que l’île Jard fût dans mon lac. C’est avec une douleur extrême que j’envisage cette éternelle séparation. Avez-vous toujours la consolation de Mme de Brumath ? Je vous présente à toutes deux mes respects et mes regrets.


3681. — À M. THIERIOT.
18 octobre.

M. Helvétius m’a envoyé son Esprit, mon ancien ami ; ainsi vous voilà délivré du soin de me le faire parvenir : je ne veux pas avoir double esprit comme Elisée[1]. Je suis peu au fait des cabales de votre Paris et de votre Versailles ; j’ignore ce qui a excité un si grand soulèvement contre un philosophe estimable qui (à l’exemple de saint Matthieu) a quitté la finance pour suivre la vérité[2]. Il ne s’agit, dans son livre, que de ces pauvres et inutiles vérités philosophiques qui ne font tort à personne, qui sont lues par très-peu de gens, et jugées par un plus petit nombre encore, en connaissance de cause. Il y a tel homme dont la signature, mise au bas d’une pancarte mal écrite, fait plus de mal à une province que tous les livres des philosophes n’en pourront jamais causer.

  1. IV. Rois, ii, 9.
  2. Matthieu, ix, 9 ; voyez tome X, une des notes de Voltaire sur son Russe à Paris.