Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/111

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depuis six ans. D’ailleurs Tronchin gouverne la santé des Enfants de France, et envoie de Genève ses avis deux fois par semaine ; il ne peut s’écarter ; il prétend que la maladie de monseigneur le prince Ferdinand sera longue. Il conviendrait peut-être que le malade entreprît le voyage, qui contribuerait encore à sa santé, en le faisant passer d’un climat assez froid dans un air plus tempéré. S’il ne peut prendre ce parti, celui de faire instruire Tronchin toutes les semaines de son état est le plus avantageux.

Comment avez-vous pu imaginer que je pusse jamais laisser prendre une copie de votre écrit[1] adressé à M. le prince de Brunswick ? Il y a certainement de très-belles choses ; mais elles ne sont pas faites pour être montrées à ma nation. Elle n’en serait pas flattée ; le roi de France le serait encore moins, et je vous respecte trop l’un et l’autre pour jamais laisser transpirer ce qui ne servirait qu’à vous rendre irréconciliables. Je n’ai jamais fait de vœux que pour la paix. J’ai encore une grande partie de la correspondance[2] de Mme la margrave de Baireuth avec le cardinal de Tencin, pour tâcher de procurer un bien si nécessaire à une grande partie de l’Europe. J’ai été le dépositaire de toutes les tentatives faites pour parvenir à un but si désirable ; je n’en ai pas abusé, et je n’abuserai pas de votre confiance au sujet d’un écrit qui tendrait à un but absolument contraire. Soyez dans un parfait repos sur cet article. Ma malheureuse nièce, que cet écrit a fait trembler, l’a brûlé, et il n’en reste de vestige que dans ma mémoire, qui en a retenu trois strophes trop belles.

Je tombe des nues quand vous m’écrivez que je vous ai dit des duretés[3]. Vous avez été mon idole pendant vingt années de suite ;


Je l’ai dit à la terre, au ciel, à Guzman même.

(Alzire, acte III, scène iv.)


Mais votre métier de héros et votre place de roi ne rendent pas le cœur bien sensible : c’est dommage, car ce cœur était fait pour

    tements qu’elle éprouva, avec son oncle, en juin 1753, à Francfort ; mais Frédéric s’ennuyait beaucoup d’entendre parler de cette nièce de Voltaire. Voyez sa lettre du 12 mai 1760.

  1. Voyez lettre 3818.
  2. De septembre à novembre 1757.
  3. La lettre de Voltaire où il y avait des duretés est perdue, à moins que Frédéric ne regarde comme telles les expressions du dernier alinéa de la lettre 3818.