Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/12

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sans m’être rompu le col. Au vrai cependant, dites à Mme  de Fontaine que la redoutable Faucille est très-belle, et même beaucoup meilleure que les montagnes de Saint-Claude. Elle peut aisément suivre cette route en prenant la précaution, pour se calmer l’esprit, d’aller en litière jusqu’à Lons-le-Saunier, et de faire suivre son équipage.

Depuis mon arrivée, je n’ai garde de vous oublier. J’ai d’abord donné commission que l’on me cherchât les quatre milliers de plants de vignes. Si je ne puis avoir le tout cette année, je vous en enverrai au moins dès à présent deux ou trois milliers, et le surplus l’an prochain. Venons, à l’autre article qui vous tient au cœur. Je me suis informé de ce procès perdu de vos habitants de Ferney. J’ai été trouver le rapporteur, qui est mon ami intime, un de nos plus habiles magistrats, homme de beaucoup d’esprit, très-disposé par conséquent à vous admirer et à vous obliger : il m’a dit le fait en quatre mots. L’affaire ne faisait pas un pli, une communauté d’habitants étant incapable par les lois, en quelque cas que ce soit, de posséder une dime. La perte du fond a entraîné celle des dépens ; c’est l’usage journalier. À présent, il s’agit de mettre à ceci quelque adoucissement : ce qui devient beaucoup plus difficile qu’il ne l’eût été de prévenir le mal. Il faut tâcher d’obtenir du temps et de prendre un arrangement pour payer. Je manderai le procureur de vos habitants. J’ai disposé M.  de Joncy[1], rapporteur, à bien recevoir leur requête. Faites-lui-en aussi dire un mot par votre ami, M.  Le Bault, qui est son oncle. Le plus difficile sera de gagner sur le curé de Moëns qu’il ne les pousse pas trop vivement pour exiger sa dette. Quoique je ne le connaisse pas, je lui en écrirai volontiers moi-même ; et peut-être aura-t-il quelque égard à ce que je lui dirai.

Revenons encore un moment à nos moutons, c’est-à-dire à nos vaches ; et j’y reviendrai tout de bon plus d’une fois. J’ai eu trop de plaisir à converser avec vous, malgré votre rigueur aux échecs, pour ne pas aller de temps en temps vous retrouver aux bords de ces claires eaux, de ce grand pré vert, et de cette forêt si chérie qui est au bout.


Hic gelidi fontes ; hic roscida prata, Lycori ;
Hic nemus : hic toto tecum consumerer ævo ;

Mille respects, je vous prie, à vos dames. J’ai l’honneur d’être, etc.


3741. — À M.  FABRY[2].
Ferney, 3 janvier 1759.

Il est juste, monsieur, que je prenne les intérêts des pauvres habitants de Ferney, quoique je ne sois pas encore leur seigneur, n’ayant pu jusqu’à présent signer le contrat avec M.  de Boisy.

Monsieur l’intendant de Bourgogne, M.  le président de Brosses, et quelques autres magistrats, m’ont fait l’honneur de me mander

  1. M.  Cottin de Joncy, conseiller au parlement de Dijon.
  2. Communiquée par M.  le vicomte de Carrière, ancien préfet de l’Ardèche. (B.)