Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/161

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Mais tous les ans, dans la belle saison,
L’Amour les guide en nos réduits champêtres.
Elle n’a pas tant de fidélité ;
Elle nous fuit, peut-être nous oublie.
C’est le phénix à jamais regretté,
On ne le voit qu’une fois dans sa vie.


C’est ainsi qu’on vous traite, mademoiselle ; et, quand vous reviendriez, vous n’y gagneriez rien : on vous traiterait seulement de phénix qu’on aurait vu deux fois. Pour moi, quelque forte envie que j’aie de venir vous rendre mes hommages, il n’y a pas d’apparence que j’aille à Paris. Le rôle d’un homme de lettres y est trop ridicule, et celui de philosophe trop dangereux. Je m’en tiens à achever mon château, et ne veux plus en bâtir en Espagne.

Vraiment, vous faites à merveille de me parler de M.  de La Borde[1]. Je sais que c’est un homme d’un vrai mérite, et nécessaire à l’État. Sono pochissimi i signori de cette espèce.

Adieu, mademoiselle ; recevez sans cérémonie les assurances de l’attachement très-véritable de l’oncle et de la nièce. Nos compliments à monsieur votre frère[2].


3902. — À MADAME D’ÉPINAI.

Ma belle inoculable, ma courageuse philosophe, je baise vos mules ; mais pour celle du pape[3], vous ne pourrez l’avoir que demain ou après-demain. Il faut s’en souvenir, la refaire, la transcrire ; je n’ai pas un moment à moi ; mais tous mes moments sont à vous.


3903. — À M.  TRONCHIN, DE LYON[4].
10 août.

Mon petit théâtre de Polichinelle ne sera pas cher. Monsieur le conseiller se moque de moi : il veut réduire mes acteurs à deux pieds et demi de haut, comme les diables de Milton qui se font pygmées. Il faut, pour sa peine, qu’il vienne jouer Mérope.

  1. Jean Benjamin de La Borde, auquel est adressée, dans la Correspondance, une lettre du 4 novembre 1765.
  2. Mort fou, à Bicêtre, selon MM.  Choron et Fayolle, auteurs du Dictionnaire historique des musiciens.
  3. La Mule du pape. Voyez tome IX.
  4. Éditeurs, de Cayrol et François.