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3918. — À MADAME LA COMTESSE DE LUTZELBOURG.
3 septembre.

J’ai si mal aux yeux, madame, que je ne peux avoir l’honneur de vous écrire de ma main. Je suis aussi enchanté de la conduite de M.  le prince de Brunswick envers monsieur votre fils que je suis affligé de l’événement fatal[1] qui rend M.  le prince de Brunswick si grand et les Français si petits. Je me flatte, madame, que M.  de Lutzelbourg est actuellement auprès de vous. Si j’étais à portée d’écrire au vainqueur, si certaines circonstances ne m’en empêchaient, je le féliciterais assurément, non pas sur sa victoire, mais sur la manière dont il en use. Il me semble qu’on ne doit que des sentiments de condoléance au roi de Prusse ; je le crois plus étonné d’être battu par les Russes que M.  de Contades ne l’est d’être battu par les Hanovriens.

Le roi de Prusse peut perdre son royaume, mais il ne perdra pas sa gloire. Nous sommes dans un cas tout contraire. Ne m’oubliez pas, madame, auprès de monsieur votre fils, ni auprès de Mme  de Brumath. Si je ne bâtissais pas un château qui me ruine, je serais actuellement à l’île Jard. Conservez votre santé : il n’y a plus que cela de bon. V.


3919. — À M.  DE CIDEVILLE[2].

Soyez bien malade, mon cher camarade, afin que nous vous guérissions. Venez au temple d’Esculape, faites votre pèlerinage comme les dames de Paris. Nous avons ici depuis deux ans Mme  d’Épinai, confessée en chemin, arrivée mourante : non-seulement elle est ressuscitée, mais inoculée. Voilà un grand triomphe et un grand exemple. Et moi donc, ne pourrai-je me citer ? Je m’étais arrangé pour mourir il y a quatre ans, et je me trouve plus fort que je ne l’ai jamais été, bâtissant, plantant, rimant, faisant l’histoire de cet empire russe qui nous venge et qui nous humilie.


Ô fortunatos nimium, sua si bona norint,
Agricolas !


Aussi je ne me suis point fait enduire de térébenthine, et je n’ai pas besoin d’envoyer chercher des capucins. Maupertuis a

  1. La défaite de Contades à Minden.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.