Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/219

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Comme les portes de la ville de Jean Calvin sont fermées à l’heure que je reçois le paquet de Votre Excellence, elle ne l’aura que demain lundi. Apparemment que le libraire de Genève, rempli de conscience, vous a donné, pour votre argent, les livres en question[1], pour suppléer aux œuvres du chevalier de Mouhy. Je doute que les grâces de madame l’ambassadrice s’accommodent de l’outrecuidance de Rabelais ; cependant il y a là de très-bonnes frénésies.

Si dans le billet brûlé il y avait quelqu’un de vos ordres, il vous en coûtera encore deux ou trois mots pour réparer mon malheur.

Mérope-Amènaïde-Denis est enchantée de vous deux. Nous faisons comme on fera à Turin, nous en parlons sans cesse : c’est une consolation que nous ne nous épargnerons pas.

Quand la cour de France voudra subjuguer quelque nation, allez-y tous deux ; passez-y seulement trois jours, et l’affaire est faite. Vous avez rendu Genève toute française.

Couple adorable, recevez mes regrets, mon respect, mon attachement.


La Marmotte des Alpes.

3962. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Tournay, 5 novembre.

Divins anges, les députés de votre hiérarchie vous auront peut-être rendu compte de la descente qu’ils ont faite dans nos cabanes. Baucis et Philémon ont fait de leur mieux. Deux tragédies en deux jours ne sont pas une chose ordinaire dans les vallées du mont Jura. Mme de Chauvelin nous a payés comme les sirènes, en chantant d’une manière charmante, et en nous ensorcelant. J’ai retrouvé monsieur l’ambassadeur tout comme je l’avais laissé, il y a environ quatorze ans, ayant tous les moyens de plaire[2], sans avoir lu Moncrif, et expédiant dans ce département dix ou douze personnes à la fois. J’ai retrouvé ses grâces et ses mœurs faciles et indulgentes, que ni les Corses ni les Allobroges n’ont pu diminuer. Vous savez que, malgré cette envie et ce don de plaire à tout le monde, vous avez le fond de son cœur,

  1. Il s’agit probablement d’écrits de Voltaire publiés en 1759, et qu’il disait être de Mouhy : voyez la fin de la lettre 3812.
  2. Allusion à l’ouvrage de Moncrif, intitulé Essais sur la nécessité et sur les moyens de plaire.