Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/226

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

recommandé. Au reste, monsieur, vous trouverez mes conditions exactement remplies, et il restera beaucoup plus de soixante chênes par arpent, l’un portant l’autre. Ainsi ne soyez nullement en peine. Il eût été difficile, vous le savez bien, que vous eussiez pu faire jamais avec personne un marché aussi avantageux que celui-ci. Je ne crois pas même qu’il y en ait d’exemple, et j’ai tout lieu de me flatter que vous ne me troublerez pas dans les services que je vous rends, à vous et à votre famille.

Au reste, je n’ai point fait tort à la mienne, que j’aime, en transigeant avec vous, et en faisant des dépenses si extraordinaires. Je n’y ai mis que mon revenu. Bien des gens prodiguent le leur d’une manière moins estimable. Je mets mon plaisir à rendre fertile un pays qui ne l’était guère, et je croirai en mourant n’avoir point de reproches à me faire de l’emploi de ma fortune.

Je me flatte, monsieur, que la vôtre est en bon état, malgré les convulsions qu’éprouve la France. Il n’y a point de prospérité que je ne vous souhaite. On dit que monsieur votre frère est dans un état de langueur qui ne lui permet guère de venir au pays de Gex. Je crois qu’il conviendrait assez qu’il voulût bien me faire avoir la capitainerie des chasses ; j’aurais des gardes à mes dépens, et le pays aurait plus de gibier. Je me recommande à vos bontés et à votre amitié, ayant l’honneur d’être, monsieur, du meilleur de mon cœur, avec tous les sentiments que je vous dois, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire,

3967. — DE CHARLES-THÉODORE,
électeur palatin.

J’ai été bien charmé, monsieur, de recevoir la lettre[1] que Colini m’a apportée. J’ai été bien aise de faire sa connaissance. Il paraît avoir beaucoup d’esprit et de mérite.

J’espère bien avoir la satisfaction, l’année prochaine, de vous revoir. Je suis bien mortifié d’en avoir été privé celle-ci. Faites toujours d’aussi beaux poëmes qu’Homère, mais ne devenez pas aveugle comme lui : tous les amateurs de la bonne littérature y perdraient trop.

Comme vous donnez présentement dans le Vieux Testament[2], ne croyez-vous pas le livre de Job susceptible d’une belle poésie ? Je vous l’ai entendu louer bien souvent. C’est un temps actuellement où l’on a besoin d’être excité à la patience. Bien des gens sont aujourd’hui aussi mal à leur aise

  1. Cette lettre de Voltaire était datée du 12 octobre 1759, selon Colini, qui en parle dans ses Mémoires, Elle manque. (Cl.)
  2. Allusion au Précis de l’Ecclésiaste, et à celui du Cantique des cantiques.