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vente absolue de Tournay, que je possède à vie. Ce sera probablement à vous qu’il adressera cette procuration.

Mais en attendant, monsieur, je vous prie de me laisser jouir en paix d’une terre qui m’appartient. Je vous prie d’envoyer ma lettre à M.  le président de Brosses,

Votre très-humble obéissant serviteur. V.


3973. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
À Tournay, par Genève, 12 novembre.

Madame, la lettre dont Votre Altesse sérénissime m’honore, en date du 1er novembre, ne m’est venue qu’après la liberté que j’ai prise de vous adresser un nouveau paquet. Je suis persuadé que la personne[2] à qui il est destiné ne peut faire un meilleur usage de son esprit et de ses lumières qu’en les employant, madame, à remplir vos vues salutaires. Le panégyriste du cordonnier peut se tirer une grande épine du pied. Votre Altesse sérénissime sent bien que je ne vois toutes ces belles choses qu’à travers un brouillard épais, et qu’il ne m’appartient pas même d’oser penser sur des objets qui ne sont à la portée que des personnes de votre rang et de votre mérite. Je dois me borner aux souhaits. Le plus vif, le plus empressé est de tous faire ma cour.

Je voudrais mettre à vos pieds les petits amusements dont elle me fait l’honneur de me parler. Il a bien fallu, madame, égayer un peu dans mes douces retraites le tableau des malheurs du genre humain. L’ambassadeur de France à Turin[3] m’a trouvé dans mon petit château, jouant la comédie. Cela n’a pas l’air d’un homme à intrigues ; aussi je ne connais d’autres intrigues que celles des pièces de théâtre. Je joue les rôles de vieillard d’après nature. Il a été un temps que ma pauvre nièce aurait joué de même les héroïnes infortunées ; mais, Dieu merci, les choses ont changé, et nous ne songeons plus à Francfort que pour en rire.

Je ne manquerai pas, madame, d’envoyer à Votre Altesse sérénissime la pièce nouvelle que nous avons représentée ; il y a quelques endroits à retoucher. Les acteurs, excepté moi, étaient bien meilleurs que la pièce. Nous ne pouvons venir jouer devant

  1. Editeurs, Bavoux et François.
  2. Le roi de Prusse. Il s’agit de secrètes propositions de paix. (A. F.)
  3. Le marquis de Chauvelin.