Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/252

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mer, ceux qui auront des vaisseaux ; il faut que je déraisonne politique.

1° L’Espagne est seule en état de proposer la paix, d’offrir sa médiation, de menacer si on ne l’accepte pas, etc., etc.

2° Les Anglais peuvent nous prendre Pondichéry pendant que la gravité espagnole fera ses propositions.

3° Le Canada n’est qu’un sujet éternel de guerres malheureuses, et j’en suis fâché.

4° Il y a des gens qui prétendent que la Louisiane valait cent fois mieux, surtout si la Nouvelle-Orléans, qu’on appelle une ville, était bâtie ailleurs.

5° Je ne vois dans tout ceci qu’un labyrinthe, et peu de fil. J’aime à vous dire tout ce qui me passe dans la tête, parce que vous êtes accoutumé à rectifier mes idées,

Luc voudrait bien la paix. Y aurait-il si grand mal à la lui donner, et à laisser à l’Allemagne un contre-poids ? Luc est un vaurien, je le sais ; mais faut-il se ruiner pour anéantir un vaurien dont l’existence est nécessaire ?

7° Si vous avez de quoi bien faire la guerre, faites-la ; sinon, la paix.

Vous vous moquez de moi, mon divin ange : vous avez raison ; mais mes terres sont couvertes de neige ; tous mes travaux champêtres sont malheureusement suspendus ; permettez-moi de déraisonner, c’est un grand plaisir.

Mille tendres respects à Mme  Scaliger.

M.  de Choiseul a bien de l’esprit.


3987. — À MADAME D’ÉPINAI.
Aux Délices, 26 novembre.

Je n’ai pas votre santé de fer, ma chère et respectable philosophe ; c’est ce qui me prive de l’honneur de vous écrire de ma main. La Mort et l’Apparition de frère Berthier[1], si je ne mourais pas de misère, me feraient mourir de rire. Il m’a paru pourtant qu’il y a un peu de gros sel dans la première partie : mais tout est bon pour les jésuites, et on peut leur jeter tout à la tête, jusqu’à des oranges de Portugal[2], pourvu qu’elles ne coûtent pas trop cher, car voici le temps où il faut épargner les dépenses inutiles. Je n’envoie point, comme vous, ma vaisselle d’argent à

  1. Voyez tome XXIV, page 95.
  2. Allusion à l’attentat du 3 septembre 1758.