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3753. — À M.  LE PRÉSIDENT DE BROSSES[1].
Aux Délices, 17 janvier.

Distinguons les temps, monsieur ; vos biberons bourguignons vous ont dit qu’on n’arrachait pas les ceps pendant l’hiver ! Oui, quand on est en hiver ; mais nous sommes dans le printemps, et jamais la saison n’a été plus favorable. Je plante actuellement à Tournay les vignes que M.  Le Bault a eu la bonté de m’envoyer ; le temps des gelées est passé ; ayez la bonté de ne pas croire ceux qui n’ont qu’une routine aveugle. Envoyez-moi vos vignes, et j’en réponds. Elles seront plantées avec la même célérité que votre escalier a changé de place, que les prés ont été réparés, les haies raccommodées, les fossés nettoyés et élargis, et le champ par delà la forêt labouré pour la première fois de sa vie. Si je meurs à la peine, vous jouirez du fruit de mes soins. Je présente mes respects et mes remerciements à monsieur votre frère[2]. Il serait mieux que je fusse lieutenant des chasses. Monsieur votre frère n’a point de gardes ; et j’en ai. Je peuplerai le pays de Gex de perdrix ; je voudrais le peupler d’hommes : Sed funerata est pars illa qua nunquam Achilles eram.

Est-ce monsieur votre frère ou monseigneur le comte de La Marche[3] qui fait des lieutenants ?

Il faudra bien que Charlot enlève ses bois avant la mi-mars, suivant l’ordonnance ; sans quoi tout le taillis serait perdu.

Je crois, monsieur, qu’il vous convient de sacrifier au moins cinq cents livres pour la réparation du chemin de Prégny qui conduit à Tournay. Mme  Galatin vous en supplie. Les embellissements que je fais à Tournay trois ans avant le temps prescrit et le soin prématuré que je prends de la terre méritent cette légère condescendance de votre part. Dès que le chemin de Genève à Prégny sera en train, je vous prierai de donner vos ordres à Girod pour les corvées sur le chemin dont vous vous êtes chargé.

Vous dictez aussi bien que vous écrivez ; mais ayez soin de vos yeux. Conservez-moi vos bontés.

Mes respects à. Mme  de Brosses. V.

  1. Éditeur, Th. Foisset.
  2. Probablement de la permission de chasser accordée au mousquetaire Daumart, cousin maternel de Voltaire.
  3. Fils du prince de Conti et engagiste du pays de Gex. C’est lui que Voltaire désigne sous le nom de monseigneur Paramont, à la page 9.