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4109. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
27 avril.

Le malade, qui n’est pas mort, n’est pas assez abandonné de Dieu pour contredire son ange gardien. Il ne peut pas trop écrire de sa main, pour le présent ; tout ce qu’il peut faire est de se conformer à la volonté céleste, et de dicter sa réponse à l’écrit intitulé Petites Remarques, mais qu’on croit cependant essentielles[1].

On demande grâce pour le reste, et surtout on insiste pour que Mlle  Clairon entre armée sur le théâtre[2] ; parce qu’elle est à la tête de ses soldats, parce qu’elle est forcenée, parce qu’elle ne sait ce qu’elle veut, parce que j’ai vu ce moment faire un très-grand eftet, parce que Mlle  Clairon aura fort bonne grâce avec une cuirasse et une lance à la main.

L’ange est très-ardemment supplié de ne pas s’opposer à ce mouvement théâtral, sans quoi il agirait plutôt en démon incarné qu’en ange gardien.

On proteste au divin ange que, si la pièce est sifflée, on mettra tout sur son compte, et qu’il en sera responsable devant Dieu.

Au reste, faudra-t-il que les comédiens, qui, en qualité de compagnie ou de troupe, sont des ingrats, jouissent seuls de la part qui appartient à l’auteur, et qu’il ne puisse en gratifier quelqu’un qui en aurait de la reconnaissance ? Faudra-t-il qu’un libraire, tel que Michel Lambert, qui a l’insolence d’imprimer toutes les pauvretés que Fréron débite contre moi, gagne cent louis d’or à imprimer malgré moi mon ouvrage ? Cela est-il juste ?

Nous ne trouvons point ici que la pièce[3] du petit Hurtaud ressemble à Nanine. Acanthe est une personne de condition, et Nanine est une paysanne ; Nanine a une rivale, et Acanthe n’en a point ; et Mathurin est bien un autre personnage que Lucas ; mais nous réservons à d’autres temps nos remontrances et nos plaintes.

Nous nous contentons de protester ici que nous n’avons jamais lu le Discours[4] de M.  Lefranc de Pompignan ; que nous mettons

  1. Il y avait ici quatre pages de corrections pour la tragédie de Zulime.
  2. Dans le rôle de Zulime.
  3. Le Droit du Seigneur.
  4. Lu à l’Académie française le 10 mars précédent.