l’un et l’autre, d’excellent vin de Bourgogne, nous le boirions au lieu de disputer.
Une dévote en colère disait à sa voisine : « Je te casserai la tête avec ma marmite. — Qu’as-tu dans ta marmite ? dit l’autre. — Un bon chapon, répondit la dévote, — Eh bien ! mangeons-le ensemble, » dit la bonne femme.
Voilà comme on en devrait user. Vous êtes tous de grands fous, molinistes, jansénistes, encyclopédistes. Il n’y a que mon cher Menoux de sage ; il est à son aise, bien logé, et boit de bon vin. J’en fais autant ; mais, étant plus libre que vous, je suis plus heureux. Il y a une tragédie anglaise qui commence par ces mots : Mets de l’argent dans ta poche, et moque-toi du reste. Cela n’est pas tragique, mais cela est fort sensé. Bonsoir. Ce monde-ci est une grande table où les gens d’esprit font bonne chère ; les miettes sont pour les sots, et certainement vous êtes homme d’esprit. Je voudrais que vous m’aimassiez, car je vous aime.
Votre lettre[2] est extrêmement plaisante, et pleine d’esprit, monsieur. Si vous aviez été aussi gai dans votre comédie des Philosophes, ils auraient dû aller eux-mêmes vous battre des mains ; mais vous avez été sérieux, et voilà le mal.
Entendons-nous, s’il vous plaît ; j’aime à rire, mais nous n’en sommes pas moins persécutés. Maître Abraham Chaumeix et maître Jean[3] Gauchat ont été cités dans le réquisitoire de maître Joly de Fleury ; on nous a traités de perturbateurs du repos public, et, qui pis est, de mauvais chrétiens. Maître Lefranc de Pompignan m’a désigné très-injurieusement devant mes trente-huit confrères. On a dit à la reine et à monseigneur le dauphin que tous ceux qui ont travaillé à l’Encyclopédie, du nombre desquels j’ai l’honneur d’être, ont fait un pacte avec le diable. Maître Aliboron, dit Fréron, veut me faire aller à l’immortalité dans ses admirables feuilles, comme Boileau a éternisé Chapelain et Cotin. Oh ! je suis assez bon chrétien pour leur pardonner dans le fond du cœur, mais non pas au bout de ma plume.
- ↑ Cette lettre, dont Palissot n’avait d’abord publié qu’un extrait, fut, bientôt après, imprimée séparément sous ce titre : Copie de la troisième lettre de M. de Voltaire à M. Palissot, et datée du 18 juillet. (B.)
- ↑ La lettre de Palissot à laquelle répond Voltaire est du 7 juillet.
- ↑ Il se nommait Gabriel Gauchat ; voyez une note de la lettre 4226.