Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/59

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instance de ne pas tarder un moment ; je n’en ai qu’un pour lui répondre. Voici un Mémoire dont j’envoie quatre copies à Berne ; je vous prie de donner la cinquième à M. de Freudenreich, dont la bonté et la justice ne seront pas subjuguées par la faction de Grasset et de Darnay, qui remuent ciel et terre. J’écris à M. de Vermont. Toute cette bêtise m’est très-agréable, parce qu’elle me fait connaître tout le prix d’un cœur comme le vôtre.

Je suis bien fâché de ne savoir les noms que de deux curateurs. Mettez-moi bien avant dans le cœur du vertueux M. de Freudenreich, car il est dans le mien à côté d’Aristide.

Je savais bien que Haller protégeait le Grasset ; j’en ai rougi pour lui, et je lui ai écrit[1] de quoi le faire rougir.

Allaman m’écrit que tous les pasteurs de Vevay désavouent le libelle daté de Vevay. Nouvelle raison pour la suppression.


3794. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Breslau, 2 mars.

Votre lettre contient une contradiction dans les termes et dans les choses. Vous marquez que votre imagination s’éteint, et en même temps vous en remplissez toute votre lettre. Il fallait être plus sur ses gardes en m’écrivant, et supprimer ce beau feu qui vous anime encore à soixante-cinq ans. Je crains bien que vous ne soyez dans le cas de la plupart des hommes, qui s’occupent de l’avenir et oublient le passé ;


Et comme à l’intérêt l’âme humaine est liée,
La vertu qui n’est plus est bientôt oubliée.

(Œdipe, acte I, sc. iii.)

Mes vers[2] ne sont point faits pour le public. Je n’ai ni assez d’imagination, ni ne possède assez bien la langue pour faire de bons vers ; et les médiocres sont détestables. Ils sont soufferts entre amis, et voilà tout. Je vous en envoie de genres différents, mais qui ont le même goût de terroir, et qui se ressentent du temps où ils ont été faits. Et, comme vous êtes à présent riche et puissant seigneur, ne craignant point de vous faire payer cher le port de mes balivernes, je vous envoie en même temps toutes sortes de misères que je me suis amusé à faire par intervalles.

J’en viens à l’article qui semble vous toucher le plus, et je vous donne toute assurance de ne plus songer au passé, et de vous satisfaire ; mais laissez auparavant mourir en paix un homme que vous avez cruellement per-

  1. Lettre 3779.
  2. Voltaire parle de ces vers à la fin de la lettre 3784.