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Si ce n’était pas une indiscrétion, vous me feriez un plaisir extrême de me mander ce qu’est devenu l’abbé de Prades[1].

Adieu, monsieur ; je suis, etc.


Voltaire,
comte de Tournay, gentilhomme ordinaire du roi.

3796. — À M.  LE PRÉSIDENT DE RUFFEY[2].
Aux Délices, ce 3 mars 1759.

Vos rosiers sont dans mes jardins,
Et leurs fleurs vont bientôt paraître.
Doux asile où je suis mon maître !
Je renonce aux lauriers si vains,
Qu’à Paris j’aimai trop peut-être.
Je me suis trop piqué les mains
Aux épines qu’ils ont fait naître.


Je viens de recevoir, monsieur, et de faire planter sur-le-champ vos jolis rosiers de Bourgogne ; j’y ai mis la main, je les ai baptisés de votre nom : ils s’appellent des Ruffey, et j’en donnerai sous ce nom à mes voisins, qui partageront ma reconnaissance. Pourrais-je me flatter que vous viendrez les voir quelque jour, et que vous n’oublierez pas entièrement ce petit coin du monde que vous embellissez par vos présents ? Vous serez probablement dans vos terres cet été ; je viendrais vous y voir si je pouvais abandonner un moment mes maçons et mes charpentiers. Je commence par me ruiner avant de donner mon aveu et dénombrement à la chambre des comptes, qui, probablement, me fera interdire quand elle saura que je dépense vingt mille écus à un château dont la terre ne vaut pas trois mille livres de rente. Il n’en sera pas de même de Tournay : je ne dois rien pour cette acquisition ; j’y suis entièrement libre, et c’était là l’objet de mes tendres vœux. J’ai rempli la vocation de l’homme ; Dieu l’avait créé libre, et je le suis devenu : c’est assurément la plus belle fortune qu’on puisse faire. Ma nièce de Fontaine sera encore plus heureuse que moi : elle aura l’honneur de vous voir, vous et Mme  la présidente de Ruffey, à la fin du mois, si vous êtes à Dijon.

Je ne sais si je vous ai mandé que le roi de Prusse m’avait envoyé deux cents vers de Breslau, dans le temps qu’il assemble

  1. Interné à Magdebourg.
  2. Éditeur, Th. Foisset.