Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/303

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le plus de plaisir, soit parce que c’est le dernier, soit parce que je m’y retrouve. Somme totale, vous êtes grand penseur et grand metteur en œuvre ; mais ce n’est pas assez de montrer qu’on a plus d’esprit que les autres. Allons donc, rendez quelque service au genre humain ; écrasez le fanatisme, sans pourtant risquer de tomber, comme Samson, sous les ruines du temple qu’il démolit ; faites sentir à notre siècle toute sa petitesse et tout son ridicule ; renversez ses idoles. Qui sont ces polissons qui ont fait brûler cette consultation de ce polisson qui a répondu à Mlle Clairon par du galimatias[1] ? A-t-on jamais rien vu de plus sot que le livre de cet avocat, et de plus impertinent que l’arrêt qui le condamne ? La séance contre l’Encyclopédie, et le réquisitoire aussi insolent qu’absurde de maître Aliboron-Omer, ne sont-ils pas du xive siècle ? Faut-il qu’une troupe de convulsionnaires soit toute-puissante ? et ne doit-on pas rougir, quand on est homme, de ne pas sonner le tocsin contre ces ennemis de l’humanité ? Ne détruisit-on pas dans Athènes la tyrannie des trente, et n’est-ce pas par le ridicule qu’il faut détruire dans Paris la tyrannie des cent quatre-vingts ? On se plaignait autrefois des jésuites ; mais saint Médard devient plus à craindre que saint Ignace. Si on ne peut étrangler le dernier moliniste avec les boyaux du dernier janséniste, rendons ces perturbateurs du repos public ridicules aux yeux des honnêtes gens. Qu’ils n’aient plus pour eux que le faubourg Saint-Marceau et les Halles. Mon cher philosophe, vous vous déclarez l’ennemi des grands et de leurs flatteurs, et vous avez raison ; mais ces grands protègent dans l’occasion, ils peuvent faire du bien ; ils méprisent l’infâme : ils ne persécuteront jamais les philosophes, pour peu que les philosophes daignent s’humaniser avec eux. Mais pour vos pédants de Paris, qui ont acheté un office ; pour ces insolents bourgeois, moitié fanatiques, moitié imbéciles, ils ne peuvent faire que du mal.

Notre f… Académie a donné pour sujet de son prix les louanges d’un chancelier janséniste, persécuteur de toute vérité, mauvais cartésien, ennemi de Newton, faux savant et faux honnête homme[2]. Passe pour le maréchal de Saxe, qui aimait les filles, et qui ne persécutait personne. Je suis indigné de ce qui m’est revenu de Paris. Je ne connais que vous qui puissiez venger la raison. Dites hardiment et fortement tout ce que vous avez sur le cœur. Frappez, et cachez votre main. On vous reconnaîtra ;

  1. Voyez la note, tome XXIV, page 239.
  2. Le chancelier d’Aguesseau. Le prix fut remporté par Thomas.