Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/304

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je veux bien croire qu’on en ait l’esprit, qu’on ait le nez assez bon ; mais on ne pourra vous convaincre, et vous aurez détruit l’empire des cuistres dans la bonne compagnie : en un mot, je vous recommande l’infâme ; faites-moi ce plaisir avant que je meure ; c’est le point essentiel. L’Oracle des fidèles[1] devrait faire une prodigieuse sensation ; mais la nation est trop frivole pour un livre qui demande de l’attention.

À propos, je n’ai pas ici mes calculs de la vie humaine ; mais il est clair que nous autres animaux à deux pieds nous n’avons que vingt-deux ans dans le ventre, l’un portant l’autre. Expliquez-moi comment, à trente ans, on doit espérer soixante ? J’en ai soixante-sept, et je suis bien malingre. Je voudrais vous voir avant de rendre mon corps et mon âme aux quatre éléments.

Dites, je vous prie, à Mme du Deffant combien je lui suis attaché. Elle pense et parle, et il y en a de par le monde qui ne savent pas même parler.


4541. — À M. DAMILAVILLE.
Le 8 mai.

J’envoie aux philosophes le seul exemplaire que j’aie du Procès du Théâtre anglais[2], seul procès que nous puissions gagner aujourd’hui contre messieurs d’Albion. M. Damilaville, ou M. Thieriot, doit avoir la lettre de M. le duc de La Vallière, et la réponse. M. le duc de La Vallière a lu cette réponse à Mme de Pompadour, à M. le duc de Choiseul ; ils en ont été très-contents, et il me mande qu’il faut sur-le-champ l’imprimer.

Les Anglais nous font bien du mal au dehors, et la superstition au dedans. Ne mettra-t-on point ordre à tout cela ? Les échos de nos montagnes nous disent que Belle-Isle est pris[3] : c’est le dernier coup porté à notre commerce maritime. Il faut songer à cultiver la terre.

Voici une lettre pour Protagoras[4].

On n’a d’autre exemplaire de l’Épître sur l’Agriculture que celui qu’on a reçu, à ce qu’on croit, par la voie des philosophes : on le renverra purgé des fautes typographiques dont il fourmille, avec l’Appel aux nations, qui est aussi plein de fautes à

  1. Voyez une note de la lettre 4360.
  2. L’Appel à toutes les nations de l’Europe ; voyez tome XXIV, page 191.
  3. Belle-Isle ne fut pris que le 7 juin.
  4. D’Alembert ; c’est la lettre précédente.