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n’est point exécutée. Comme j’aime un peu le remue-ménage, j’ai envie de faire quelques niches aux prêtres de mon canton. Rien n’est plus amusant dans la vieillesse.

Je me recommande à tous les frères, en corps et en âme.


4579. — À M.  LE BARON DE BIELFELD[1].
Aux Délices, 20 juin.

Je crois, monsieur, que votre lettre m’a guéri, car le plaisir est un souverain remède, et j’ai senti un plaisir bien vif en voyant que vous vous souvenez de moi. Je ne songe plus qu’à m’amuser et à finir gaiement ma carrière ; mais je m’intéresse beaucoup aux ouvrages sérieux que vous donnez au public. J’attends avec impatience celui que vous m’annoncez. Apprenez aux princes à être justes : c’est toujours une consolation pour ceux qui souffrent de leur ambition, de leurs caprices, de leurs injustices, de leurs méchancetés. Les hommes aiment à entendre parler du droit des gens ; ce sont des malades à qui on parle du remède universel. N’avez-vous pas dit aussi quelque petit mot sur la liberté ? Je m’imagine que vous la goûtez à votre aise dans Hambourg ; pour moi, j’en jouis, et je suis depuis six ans dans l’ivresse de la jouissance, étant assez heureux pour posséder des terres libres sur la frontière de France, et me trouvant dans une indépendance entière. Vous souvient-il du temps où il ne vous était pas permis d’aller dans vos terres ? C’est bien cela qui est contre le droit des gens.

Je souhaite la paix à votre Allemagne ; mais je ne peux exalter mon âme au point de deviner le temps où toutes ces horreurs cesseront. Le secret de prévoir l’avenir s’est perdu avec le modeste président[2].

Je vous embrasse de tout mon cœur, sans cérémonie ; il n’en faut point entre les philosophes. C’est assez de dater sa lettre, et de signer la première lettre de son nom. V.

Votre lettre du mois de février ne m’a pas été rendue par des gens pressés de s’acquitter de leur commission.

  1. Jacques-Frédéric, né à Hambourg, en 1716, mort le 5 avril 1770, avait composé, pour le prince de Prusse Auguste-Ferdinand, dont il était précepteur en 1745, des Institutions de politique en trois parties. Les deux premières parurent a la Haye, 1760, deux volumes in-4o.
  2. Maupertuis.