Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/341

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mourir de douleur mon évêque[1], sil ne meurt pas auparavant de gras fondu.

Vous noterez, s’il vous plaît, qu’en même temps je m’adresse au pape en droiture. Ma destinée est de bafouer Rome, et de la faire servir à mes petites volontés. L’aventure de Mahomet m’encourage. Je fais donc une belle requête au saint-père : je demande des reliques pour mon église, un domaine absolu sur mon cimetière, une indulgence in articulo mortis, et, pendant ma vie, une belle bulle pour moi tout seul, portant permission de cultiver la terre les jours de fête sans être damné. Mon évêque est un sot qui n’a pas voulu donner au malheureux petit pays de Gex la permission que je demande ; et cette abominable coutume de s’enivrer en l’honneur des saints, au lieu de labourer, subsiste encore dans bien des diocèses. Le roi devrait, je ne dis pas permettre les travaux champêtres ces jours-là, mais les ordonner. C’est un reste de notre ancienne barbarie de laisser cette grande partie de l’économie de l’État entre les mains des prêtres.

M. de Courteilles vient de faire une belle action en faisant rendre un arrêt du conseil pour les dessèchements des marais. Il devrait bien en rendre un qui ordonnât aux sujets du roi de faire croître du blé le jour de Saint-Simon et de Saint-Jude[2], tout comme un autre jour. Nous sommes la fable et la risée des nations étrangères, sur terre et sur mer ; les paysans du canton de Berne, mes voisins, se moquent de moi, qui ne puis labourer mon champ que trois fois, tandis qu’ils labourent quatre fois le leur. Je rougis de m’adressera un évêque de Rome, et non pas à un ministre de France, pour faire le bien de l’État.

Si ma supplique au pape et ma lettre[3] au cardinal Passionei sont prêtes au départ de la poste, je les mettrai sous les ailes de mes anges, qui auraient la bonté de faire passer mon paquet à M. le duc de Choiseul : car je veux qu’il en rie et qu’il m’appuie. Cette négociation sera plus aisée à terminer honorablement que celle de la paix.

Je passe du tripot de l’Église à celui de la Comédie. Je croyais que frère Damilaville et frère Thieriot s’étaient adressés à mes anges pour cette pièce qu’on prétend être d’après Jodelle, et qui est certainement d’un académicien de Dijon[4]. Ils ont été si discrets qu’ils n’ont pas, jusqu’à présent, osé vous en parler ;

  1. Biord ou Biort.
  2. Le 28 octobre.
  3. La supplique et la lettre manquent. (B.)
  4. Voyez la lettre 4574.