Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/350

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pas une raison pour que les Français l’abandonnent. Il est vrai qu’elle est à présent au-dessus de la pauvreté ; mais à qui mieux qu’elle appartiendrait le produit des Œuvres de son aïeul ? Les frères Cramer sont assez généreux pour lui céder le profit de cette édition, qui ne sera faite que pour les souscripteurs.

Nous travaillons donc pour le nom de Corneille, pour l’Académie, pour la France. C’est par là que je veux finir ma carrière. Il en coûtera si peu pour faire réussir cette entreprise ! Quarante francs, chaque exemplaire, sont un objet si mince pour les premiers de la nation qu’on sera probablement empressé à voir son nom dans la liste des protecteurs de Cinna et du sang de Corneille.

Je me flatte que le roi, protecteur de l’Académie, permettra que son nom soit à la tête des souscripteurs. Je charge votre caractère aussi bienfaisant qu’aimable de nous donner la reine. Qu’elle ne considère pas que c’est un profane qui entreprend ce travail ; qu’elle considère la nation dont elle est reine.

Qui sont les noms de vos amis que je ferai imprimer ? Pour combien d’exemplaires souscriront nos académiciens de la cour ? Comptez que les Cramer ne tireront que le nombre des exemplaires souscrits, et que ce livre restera un monument de la générosité des souscripteurs, qui ne sera jamais vendu au public. Fera des petites éditions qui voudra, mais notre grande sera unique. Vous pouvez plus que personne ; et il sera digne de celui qui à si bien fait connaître la France de protéger le grand Corneille, quand il n’y a pas un seul acteur digne de jouer Cinna, et qu’il y a si peu de gens dignes de le lire.

Il me semble que j’ouvre une porte d’or pour sortir du labyrinthe des colifichets où la foule se promène.

Recevez les tendres et respectueux sentiments, etc.

Mille pardons à Mme  du Deffant. Cette entreprise ne me laisse pas un moment, et j’ai des ouvrages immenses, des moutons, et des procès, à conduire.


4590. — À M.  FYOT DE LA MARCHE[1].
Au château de Ferney, par Genève, 26 juin 1761.

Il faut, monsieur, que je vous serve suivant votre goût ; il faut que je prenne la liberté de vous mettre à la tête d’une bonne action qui se fera dans votre Bourgogne.

  1. Éditeur, Th. Foisset.