Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/403

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Oui, volontiers, que les sadducéens périssent, mais que les pharisiens ne soient pas épargnés. On nous défait des chats, mais on nous laisse dévorer par des chiens.

On a eu grand’peine à trouver le Grizel[1] que demandent les frères. C’est grand dommage que, pour notre édification, nous ne puissions pas recouvrer cet ouvrage rare, d’autant plus utile à la bonne cause qu’il rend la mauvaise extrêmement ridicule.

Frère Thieriot est devenu bien paresseux. Un véritable frère ne devrait-il pas avoir déjà envoyé les Recherches sur le Théâtre[2] ? Il faut le mettre en pénitence. On ne doit pas être tiède sur les ouvrages et sur le sang du grand Corneille, Frère Thieriot, je vous l’ai toujours dit, vous êtes un indolent ; vous n’écrivez que par boutade. Point de nouvelles depuis un mois. Vous retardez l’édition de Corneille : vous êtes coupable. Je ne sais pas trop comment ira cette entreprise. Pour moi, je ne réponds que de mon travail et de mon zèle tant que je respirerai. J’ai déjà commenté six[3] tragédies. Je m’instruis par ce travail ; j’espère que j’en instruirai d’autres, et que le théâtre y gagnera. Si, comme auteur, je n’ai pu servir ma nation, je la servirai du moins comme commentateur.

J’embrasse les frères, et j’abhorre plus que jamais les ennemis de la raison et des lettres.


4637. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
15 auguste.

Je reçois une lettre de mes anges, du 5 auguste, en revenant d’une représentation de Tancrède, que des comédiens de province nous ont donnée avec assez d’appareil. Je ne dis pas qu’ils aient tous joué comme Mlle  Clairon ; mais nous avions un père qui faisait pleurer, et c’est ce que votre Brizard ne fera jamais. Il faut pourtant qu’il y ait quelque chose de bon dans cette piècee, car les hommes, les femmes, et les petits garçons, fondaient en larmes. On l’a jouée, Dieu merci, comme je l’ai faite, et elle n’en a pas été plus mauvaise. Les Anglais mêmes pleuraient : nous ne devons plus songer qu’à les attendrir ; mais le petit Bussy[4] n’est point du tout attendrissant.

  1. La Conversation de l’intendant des Menus ; voyez tome XXIV, page 239.
  2. Par Beauchamps, 1735, un volume in-4° ou trois volumes petit in-8°.
  3. Il parle de huit dans la lettre à Mme  d’Épinai du 5 août.
  4. Chargé de négocier la paix entre la France et l’Angleterre.