Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/406

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’ils n’ont pu gâter parce que j’y étais. Donnons vite bien des comédies nouvelles, car, lorsque les jansénistes seront les maîtres, ils feront fermer les théâtres. Nous allons tomber de Charybde en Scylla. Ô le pauvre royaume ! ô la pauvre nation ! J’écris trop, et je n’ai pas le temps d’écrire.

Mes anges, je baise le bout de vos ailes.


4638. — À M. DE MAIRAN.
À Ferney, 16 auguste.

Votre lettre du 2 auguste, monsieur, me flatte autant qu’elle m’instruit. Vous m’avez donné un peu de vanité toute ma vie, car il me semble que j’ai été de votre avis sur tout. J’ai pensé invariablement comme vous sur l’estimation des forces, malgré la mauvaise foi de Maupertuis, et même de Bernouilli, et de Musschenbroeck ; et comme les vieillards aiment à conter, je vous dirai qu’en passant à Leyde le frère Musschenbroeck, qui était un bon machiniste et un bonhomme, me dit : « Monsieur, les partisans des carrés de la vitesse sont des fripons ; mais je n’ose pas le dire. »

J’ai été entièrement de votre opinion sur l’aurore boréale, et je souscris à tout ce que vous dites sur le mont Olympe, d’autant plus que vous citez Homère. J’ai toujours été persuadé que les phénomènes célestes ont été en grande partie la source des fables. Il a tonné sur une montagne dont le sommet est inaccessible : donc il y a des dieux qui habitent sur cette montagne, et qui lancent le tonnerre ; le soleil paraît courir d’orient en occident : donc il a de bons chevaux ; la lune parcourt un moins grand espace : donc, si le soleil a quatre chevaux, la lune doit n’en avoir que deux ; il ne pleut point sur la tête de celui qui voit un arc-en-ciel : donc l’arc-en-ciel est un signe qu’il n’y aura jamais de déluge, etc., etc.

Je n’ai jamais osé vous braver, monsieur, que sur les Égyptiens ; et je croirai que ce peuple est très-nouveau jusqu’à ce que vous m’ayez prouvé qu’un pays inondé tous les ans, et par conséquent inhabitable sans le secours des plus grands travaux, a été pourtant habité avant les belles plaines de l’Asie.

Tous vos doutes et toutes vos sages réflexions envoyées au jésuite Parennin[1] sont d’un philosophe ; mais Parennin était sur

  1. Lettres de M. de Mairan au Père Parennin, contenant diverses questions sur la Chine, 1759, in-12, réimprimées en 1770. in-8°.