Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/493

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votre frère soit bailli du pays, et quelque autorité que vous puissiez avoir, vous n’aurez pas celle de changer les faits : il sera toujours constant qu’il n’y a point eu de vente véritable.

Vous dites, dans votre exploit signifié à ce paysan, que vous lui vendîtes une certaine quantité de bois. Quelle quantité, s’il vous plaît ? Vous dites que vous les fîtes marquer. Par qui ? Avez-vous un garde-marteau ? aviez-vous la permission du grand-maître des eaux et forêts ? En un mot, monsieur, la justice de Gex est obligée de juger contre vous, si vous avez tort ; elle jugerait contre le roi, si un particulier plaidait avec raison contre le domaine du roi. Le sieur Girod prétend qu’il fait trembler en votre nom les juges de Gex : il se trompe encore sur cet article comme sur les autres.

S’il faut que monsieur le chancelier, et les ministres, et tout Paris, soient instruits de votre procédé, ils le seront ; et s’il se trouve dans votre compagnie respectable une personne qui vous approuve, je me condamne.

Vous m’avez réduit, monsieur, à n’être qu’avec douleur votre, etc.


4712. — À M. FYOT DE LA MARCHE[1].
(l’ancien premier président.)
À Ferney, 20 octobre 1761.

Votre charmante lettre du 5 octobre m’a trouvé, mon très-respectable ami, dans un moment d’enthousiasme et l’a redoublé ; vous avez été le génie qui m’a conduit ; vous devez savoir, en qualité de génie, que le sujet d’une tragédie me passait par la tête. Je ne voulais ni de froide politique, ni de froide rhétorique, ni de froides amours. J’ai trouvé tout ce que les plus grands noms ont de plus imposant, tout ce que la religion secrète des anciens, si sottement calomniée par nous, avait de plus auguste, de plus terrible et de plus consolant, tout ce que les passions ont de plus déchirant, les grandeurs de ce monde de plus vain et de plus misérable, et les infortunes humaines de plus affreux. Ce sujet s’est emparé de moi avec tant de violence que j’ai fait la pièce[2] en six jours, en comptant un peu les nuits. Ensuite il a fallu corriger, voilà pourquoi je vous remercie si tard de toutes les bontés dont vous m’honorez.

  1. Éditeur Th. Foisset.
  2. Olympie.