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fane et le sacré à choisir, et nous vous donnerons de plus une pièce nouvelle très-édifiante.

Si je n’étais pas guédé de vers, je crois que j’en ferais pour M. de Laudon. La prise de Schweidnitz[1] me paraît la plus belle action de toute la guerre, et celle que l’on fait aux jésuites me paraît vive.

Il me vint ces jours passés un jésuite portugais qui me dit qu’il sortait de l’Italie, parce qu’ils y étaient trop mal venus. Il me demanda de l’emploi dans ma maison : cela me fit souvenir de l’aumônier Poussatin[2]. Je lui proposai d’être laquais, il accepta ; et sans Mme Denis, qui n’en voulut point, il aurait eu l’honneur de vous servir à boire à votre passage. C’est dommage que cette affaire soit manquée.

Je vous présente mon très-tendre respect.


4719. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
À Ferney, 25 octobre.

Vous dites, monseigneur le maréchal, que mes lettres ne sont point gaies. M. le duc de Villars m’en a averti ; mais il se porte bien, il digère, il s’en retourne gros et gras. Ce n’est guère qu’à ces conditions qu’on est de bonne humeur. D’ailleurs il n’a rien à faire, et moi, je compile, compile. Je veux laisser un petit monument des sottises humaines, à commencer par notre guerre, et à finir par Malagrida. Si je ne vous écris point, j’écris au moins quelques pages sur votre compte. Vous clorez, s’il vous plaît, le siècle de Louis XIV, car vous êtes né sous lui ; vous êtes du bon temps. Songez donc qu’un homme qui vit dans les Alpes, qui fait de l’histoire et des tragédies, doit être un homme un peu sérieux. Je ne vous ennuie point de mes rêveries, car vous, qui êtes très-gai, vous affubleriez votre serviteur de quelque bonne plaisanterie qui dérangerait ma gravité.

On dit qu’il ne faut pas pendre le prédicant de Caussade[3], parce que c’en serait trop de griller des jésuites à Lisbonne, et de pendre des pasteurs évangéliques en France. Je m’en remets sur cela à votre conscience.

  1. Prise par les Autrichiens en 1757, reprise par le roi de Prusse en 1758, emportée de surprise et d’assaut par Laudon, le 1er octobre 1761.
  2. Mémoires de Gramont, chap. viii.
  3. Il fut pendu : voyez le Récit fidèle de la mort édifiante de M. Rochette, ministre en France, exécuté à Toulouse le 18 février 1762, pour causes de religion. La Haye, 1762, in-8°.