Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/530

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Quant à ce rabâchage, que Baudy n’est qu’un facteur rendant compte, que je n’ai pu vendre avant notre traité sans la permission du grand-maître ; de quoi se mêle-t-il ? Je vois bien pourquoi ils ne veulent pas là-bas produire la vente : c’est pour ne pas la faire contrôler. Ils ont raison, ce n’est pas l’affaire de cet homme-là.

Si la contestation n’était pas engagée et devenue publique par sa frénésie ; si je pouvais aujourd’hui céder la chose contestée sans paraître avoir eu tort vers les gens mal informés, je me garderais bien de la lui donner, à lui, pour prix de son insolente lettre ; mais je vous sacrifierais, à vous, des choses bien plus considérables. Puis les égards que je me fais pour Mme Denis, qui mérite toute sorte de considération, me porteraient sur-le-champ à lui donner, non quatorze voies de bois (fi donc !), mais mon ressentiment de la sottise de son oncle, et ce qui l’a causé, quel qu’il soit. Vous sentez trop bien vous-même qu’il m’a mis dans le cas de ne plus faire ce que vous me demandez, à moins qu’il n’en donne un reçu, tout tel que le porte ma lettre. En ce cas, je lui donne tout de suite. Il n’en fera pas de difficulté : bien loin de là ! C’est ce qu’il demande. Toute sa prétention est de l’avoir comme donné. Ainsi il reconnaîtra de l’avoir reçu comme donné.

Là-dessus on dit : C’est un homme dangereux. Et à cause de cela, faut-il donc le laisser être méchant impunément ? Ce sont au contraire ces sortes de gens-là qu’il faut châtier. Je ne le crains pas. Je n’ai pas fait le Pompignan. On l’admire, parce qu’il fait d’excellents vers. Sans doute il les fait excellents. Mais ce sont ses vers qu’il faut admirer. Je les admire aussi, mais je mépriserai sa personne s’il la rend méprisable. Il y a un proverbe qui dit : On peut être honnête homme et faire mal des vers. Et vice versa.

Écoutez : il me vient en ce moment une idée. C’est la seule honnêtement admissible pour moi, et tout sera fini. Qu’en votre présence il envoie les 281 livres au curé de Tournay ou à Mme Galatin, pour être distribués aux pauvres habitants de la paroisse (je dis à ceux de ma terre, ou de la sienne, s’il lui plaît de l’appeler ainsi, et non à ceux d’une autre terre) : alors tout sera dit. De mon côté, je passerai en quittance les 281 livres à Charles Baudy dans son compte ; et voilà le procès terminé au profit des pauvres. Cela est bien court et bien aisé[1].

    même en cas d’anonciation formelle de la contenance vendue, la garantie n’en est due qu’à un vingtième près. À fortiori, quand la vente a été faite sans indication de contenance. (Voyez l’acte du 11 décembre 1758.) D’ailleurs le défaut de contenance d’un vingtième s’entend de l’universalité des fonds vendus, et non d’un corps d’héritage spécial. Ainsi Voltaire n’aurait pu se plaindre qu’autant qu’il lui eût manqué plus d’un vingtième de la contenance totale assignée à la terre de Tournay, quand bien même cette contenance eût été indiquée dans l’acte, ce qui n’est pas. — On vient de voir qu’il ne lui manquait pas même un vingtième du bois dit la forêt. (Note du premier éditeur.)

  1. Il y a lieu de croire que ce mezzo termine fut accepté par Voltaire, et que l’affaire se termina de la sorte. Aussi, à la réception de cette lettre, écrivit-il à M. de La Marche (21 novembre) : Je crois qu’à la fin cette ridicule affaire sera abandonnée (voir lettre 4757 ci-après). On conçoit qu’il convint à Voltaire de pré-