Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/544

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privilèges que nous demandons. Mais, monsieur, peut-on comparer nos huit à neuf mille pauvres habitants à la ville de Marseille, qui n’a nul besoin d’un pareil abonnement ?

D’autres provinces, dit-on, seraient aussi en droit que nous de demander ces privilèges.

Considérez, je vous prie, que nulle province n’est située comme la nôtre. Elle est entièrement séparée de la France par une chaîne de montagnes inaccessibles, dans lesquelles il n’y a que trois passages à peine praticables. Nous n’avons de communication et de commerce qu’avec Genève. Traitez-nous comme notre situation le demande et comme la nature l’indique. Si vous mettez à grands frais des barrières (d’ailleurs inutiles) entre Genève et nous, vous nous gênez, vous nous découragez, vous nous faites déserter notre patrie, et vous n’y gagnez rien.

8° Enfin, monsieur, c’est sur un Mémoire de plusieurs de vos confrères mêmes que M. de Trudaine arrangea notre abonnement du sel forcé, et qu’il écrivit à monsieur l’intendant de Bourgogne. Nous acceptâmes l’arrangement. Faut-il qu’aujourd’hui, sur les calomnies de quelques regrattiers de sel intéressés à nous nuire, on révoque, on désavoue le plan le plus sage, le plus utile pour tout le monde, dressé par M. de Trudaine lui-même !

9° Je vous supplie, monsieur, de faire remarquer à messieurs les fermiers, vos confrères, les expressions de la lettre de M. de Trudaine à monsieur l’intendant de Bourgogne, du 16 août 1761 : « Je vous prie de faire goûter ces bonnes raisons à ceux qui sont à la tête de l’administration du pays. Je ferai expédier, sans retardement, l’arrêt et les lettres patentes. »

Il est évident qu’on avait discuté le pour et le contre de cet abonnement, qu’on avait consulté messieurs des fermes, qu’on attendait de nous l’acceptation de leurs bonnes raisons : nous les avons acceptées ; nous avons regardé la lettre de M. de Trudaine comme une loi ; nous avons compté sur la convention faite avec vous.

Qu’est-il donc arrivé depuis, et qui a pu changer une résolution prise avec tant de maturité ?

Quelque préposé au sel a craint de perdre un petit profit ; il a voulu surprendre l’équité de monsieur votre frère ; il a voulu immoler le pays à ce petit intérêt.

Toute la province vous conjure, monsieur, d’examiner nos remontrances avec monsieur votre frère, en présence de M. de