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qui était au nombre des spectateurs, en a été extrêmement content.

Je vous prie de dire à M. Duclos que j’ai cessé l’envoi des Commentaires sur Corneille, parce que je me suis remis à l’espagnol. J’ai voulu donner une traduction de l’Hèraclius de Calderon ; elle est d’un bizarre, d’un sauvage, d’un comique, et, en certains endroits, d’un sublime, qui méritent d’être connus : c’est la nature pure ; rien ne ressemble plus à Shakespeare.

Si vous écrivez à frère Helvétius, je vous supplie de ne lui pas laisser ignorer ma tendre amitié pour lui. Je n’écris guère, parce que je n’en ai pas le temps ; et si je ne vous écris pas de ma main, c’est que j’ai la fièvre. Adieu, mon très-cher confrère.


4884. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
17 avril.

Mes divins anges, je ne voulais vous écrire qu’après que Lekain aurait vu Statira ; mais je commence toujours par vous remercier de la bonté que vous avez eue pour mon capitaine d’artillerie, qui voudrait bien pointer quelques canons contre Pierre III, qui n’est pas Pierre le Grand.

Il est vrai que M. le comte de Saxe ne fit que monter dans le vaisseau à Dunkerque, et que, grâce au ciel, nous ne mîmes point en mer ; mais je ne prends aucun intérêt à cette misérable histoire, dont on a imprimé des fragments très-incorrects, qu’on m’a volés[1].

À l’égard de Conculix[2], c’est autre chose. Il faut que j’aie été abandonné de Dieu pour laisser cet animal-là en si bonne compagnie.

Nous avons déjà joué Tancrède. Lekain m’a paru admirable ; je lui ai même trouvé une belle figure. J’étais le bonhomme Argire ; je ne m’en suis pas mal tiré ; mais ni lui ni moi ne jouons dans Olympie ; nous serons tous deux spectateurs bénévoles. Je devais naturellement jouer le grand prêtre : ce sont mes triomphes, vu le goût que j’ai pour l’Église ; mais je suis honoré du même catarrhe qui a osé souffler sur mes anges : j’ai la fièvre. Je continuerai ma lettre quand on aura joué Olympie ou Cassandre, et je vous en rendrai compte, en oubliant la petite part que je peux y avoir.

  1. Voyez l’avertissement de Beuchot en tête du Précis du Siècle di’Louis XV, tome XV.
  2. Personnage de la Pucelle, remplacé par Hermaphrodix, chant IV et suiv.