Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/106

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gnage de ma respectueuse reconnaissance, et une note avertira que la Vie de Pierre Corneille se trouvera au dernier volume, avec quelques pièces curieuses. Cette Vie, rejetée à ce dernier tome, fera au moins ouvrir quelquefois un tome que sans cela on n’ouvrirait jamais : car qui peut lire la Galerie du Palais et la Place-Royale ? Ce dernier tome sera uniquement destiné à la comédie, avec un discours sur la comédie espagnole, anglaise, et italienne ; mais il faut se bien porter, et je suis un peu sur le côté.

Je tâcherai de vous envoyer dans peu les remarques sur Rodogune et sur Sertorius.

J’ai repris cette lettre cinq ou six fois ; je n’en peux plus. J’ai bien peur de ne pas achever cette édition, et dire :


· · · · · Médium solvar et inter opus[1].


4887. — À M. COLINI.
À Ferney, 23 avril.

Mon cher Colini, j’ai différé longtemps à vous répondre sur le Cassandre. J’ai voulu auparavant connaître moi-même mon ouvrage, et, pour le connaître, il a fallu le faire jouer. J’ai fait venir Lekain à Ferney ; il a eu cette complaisance. J’ai vu l’effet de la pièce : c’est un très-beau coup d’œil, ce sont des tableaux continuels ; mais aussi ils demandent des comédiens qui soient autant de grands peintres, et qui sachent se transformer en peintures vivantes. Le moment du bûcher fut terrible ; les flammes s’élevaient quatre pieds au-dessus des acteurs. Enfin c’est une tragédie d’une espèce toute nouvelle. Les trois derniers actes sont absolument différents de la première esquisse que je pris la liberté d’envoyer à Son Altesse électorale ; mais il s’en faut bien encore que je sois content. J’ai senti à la représentation qu’il manquait beaucoup de nuances à ce tableau ; j’y travaille encore.

Je vous prie de me mettre aux pieds de Son Altesse électorale, moi et Cassandre. Si elle voulait me renvoyer mon ancien manuscrit, je lui serais infiniment obligé : il n’y aurait qu’à l’adresser à Mme de Fresney, à Strasbourg, elle me le ferait tenir avec sûreté.

  1. Ovide, Amor. II, élég. x, 36.