Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/255

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soyez bien persuadé que je ne ferais pas une telle proposition si je n’étais sûr de la probité et du zèle de M. Tronchin. Si on ne trouve pas mon offre déraisonnable, que M. le comte de Choiseul me donne ses ordres, ou par lui-même ou par vous, c’est la même chose ; et que Dieu nous donne la paix. Je ne sais s’il est bien vrai qu’il y ait une guerre commencée en Russie, mais je suis sûr qu’il y a des nuages.

Je n’ai point encore eu de nouvelles de M. le maréchal de Richelieu ; je le crois à Lyon avec Mme  la comtesse de Lauraguais. Sils viennent tous deux chez Baucis et Philémon, Ferney sera bien étonné d’être la cour des pairs.

Nous avons joué aujourd’hui Olympie, devant MM. de La Rocheguyon et de Villars. Cela n’a pas été trop mal ; mais cela pourrait être mieux. Il n’y avait que moi qui ne savais pas mon rôle, tant je songeais à ceux des autres. Mille tendres respects.


5046. — À M.  LE DOCTEUR TRONCHIN[1].

Mon cher Esculape, je sais bien qu’il faut recevoir sans murmure tous les petits agréments que la nature a bien voulu attacher à la vieillesse. Cependant, si on peut les adoucir et les prévenir, c’est encore le mieux. Il y a plus de six mois que ma tête murmure et bourdonne : les doctes distinguent entre le bourdonnement et le sifflement ; mais le fait est que je deviens sourd de jour en jour et d’heure en heure ; je suis le surdus loquens ; faites-moi, s’il vous plaît, le surdus audiens, afin qu’on puisse me dire : À bon entendeur, salut !

N’avez-vous point quelque tour dans votre sac dont vous puissiez m’aider ? sinon, je suis résigné à être de la confrérie des sourds. S’il y a obstruction dans le nerf auditif, je crois qu’il n’y a point de salut pour moi à mon âge ; mais si c’est uniquement tension et sécheresse, j’espère dans ce bel axiome : Contraria contrariis curantur.


5047. — À M.  LE DOCTEUR TRONCHIN.
Dimanche matin…

Le sourdaud avise Esculape que M. le duc de Villars l’attend à dîner aujourd’hui dimanche. On enverra un carrosse à mon

  1. Les deux billets suivants, édités par MM. de Cayrol et François, ont dû être écrits vers cette époque. (G. A.)