Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/274

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Un marchand peut avoir été réduit à faire un accommodement avec ses créanciers, sans que pour cela il soit convaincu d’avoir étranglé son fils pour cause de religion ; une banqueroute ne s’accorde point d’ailleurs avec le fanatisme.

Je suis d’avis que M. de Beaumont fasse seulement un petit errata ; son mémoire d’ailleurs est excellent, et fera un prodigieux effet dans le public. Je regarde cette consultation de M. de Beaumont et de quinze avocats comme un préliminaire qui doit disposer les esprits des juges.

Il me paraît essentiel que ce mémoire soit envoyé à Fontainebleau, à Mme  la marquise de Pompadour, à M.  le duc de Choiseul, à M.  le duc de La Vallière, à Mme  la duchesse de Grammont ; M.  le duc de Choiseul et Mme  de Pompadour surtout ont besoin d’être persuadés.

On leur a mis dans la tête que le père de famille Calas a été condamné à la roue par vingt-cinq juges qui étaient tous du même avis[1]. Ils n’ont pu croire que vingt-cinq juges, qui étaient sans aucun intérêt dans cette affaire, aient condamné pour leur plaisir un innocent.

Voilà pourquoi Mme  la marquise de Pompadour n’a fait aucune réponse à M.  le docteur Tronchin ; et c’est aussi la raison pour laquelle M.  de Saint-Florentin n’a pas même déféré à la recommandation de M.  de Maurepas.

J’ai moi-même reçu quelques reproches d’avoir entamé cette affaire, et de m’être déclaré contre le parlement de Toulouse ; j’ai essuyé de plus une calomnie abominable ; mais je m’en tirerai bien, et cette nouvelle horreur ne servira qu’à faire mieux connaître la vérité.

On ne doit point être surpris qu’on se soit ainsi trompé à la cour, et qu’on y ait eu de si fausses notions du jugement du tribunal de Toulouse. Le torrent des affaires publiques empêche qu’on ne fasse attention aux affaires des particuliers, et quand on rouerait cent pères de famille dans le Languedoc, Versailles n’y prendrait que très-peu de part.

Il est donc de la dernière importance que la consultation de M.  de Beaumont soit connue à la cour, et que le mémoire juridique de M.  Mariette paraisse immédiatement après.

La déclaration du jeune M, Lavaysse me paraît d’une nécessité

  1. Rien de plus faux. Treize juges, et non vingt-cinq, siégeaient. Calas ne fut d’abord condamné que par sept voix contre six. Il fallut un second vote pour qu’il fût enfin envoyé à la roue par huit juges contre cinq. (Note du premier éditeur.)