Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/322

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à Paris, les nouvelles publiques, les pièces nouvelles, les nouvelles folies, les sottises nouvelles, sont un champ assez vaste, et vous peignez tout cela très-joliment.

Il n’y a pas d’apparence que je puisse aller dans votre bruyante ville ; ni ma mauvaise santé, ni l’édition de Pierre Corneille, ni mes bâtiments, ni un parc d’une lieue de circuit, que je m’avise de faire, ne me permettent de me transplanter sitôt. Il faut au moins remettre ce voyage à une année, si la nature m’accorde une année de vie. Soyez sûre que toutes celles qui me pourront être réservées seront employées à vous aimer. Votre sœur vous embrasse aussi de tout son cœur.


5114. — DE M. MOULTOU[1].

Je viens de lire, monsieur, le mémoire de Loyseau : il m’a mis hors de moi. Cet homme semble animé de votre esprit et agité par votre puissant génie. Je croyais presque lire une de vos tragédies.

Oui, monsieur, c’est le moment de frapper de grands coups. Je n’en puis douter après l’impression que m’a faite cette lecture. Mais ces coups, vous pouvez seul les porter. Et je m’obstine à penser que celui-là seul peut faire une révolution dans le gouvernement qui en a fait une si prompte et si étonnante dans les esprits.

Ce n’est donc pas assez d’avoir attaqué le fanatisme et l’intolérance, il faut les proscrire ; après nous avoir appris à ne plus nous haïr, apprenez-nous à nous aimer, et qui sait mieux que vous parler à nos cœurs ?

Il me tarde de m’entretenir avec vous de ces grands objets ; vos conversations élèvent mon âme ; vous lui communiquez cette précieuse chaleur d’humanité qui fait la vie de la vôtre. Dites-moi quel jour je pourrai vous voir à Ferney sans vous être importun.

Si j’étais fanatique, monsieur, ce ne serait pas sans un violent effort que je pourrais vous haïr. Je suis homme, jugez si je vous respecte et si je vous aime.


5115. — À M. LE CONSEILLER LE BAULT[2].
À Ferney, par Genève, 31 décembre 1762.

Monsieur, premièrement, j’ai l’honneur de vous demander un tonneau de votre meilleur vin, et pour celui qui s’est tourné en huile, comme ce n’est point oleum lætitiæ, permettez que je n’en demande pas. Voulez-vous avoir la bonté d’envoyer votre bon

  1. Éditeur, A. Coquerel.
  2. Éditeur, de Mandat-Grancey. — En entier de la main de Voltaire.