Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/403

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plaire au-dessous de la valeur ; et ce n’est qu’après les fiançailles que nous avons appris les nouvelles offres de M. Bertin.

Les Anglais qui sont à Genève se moquaient un peu de notre générosité française. On nous disait encore que les libraires de Paris, ayant dans leurs magasins deux éditions de Corneille qui pourrissent, se plaignaient continuellement de la nôtre, et empêchaient plusieurs personnes de souscrire. Le sieur Philibert Cramer était trop occupé des plaisirs de Paris pour me rendre le moindre compte, pendant que je travaillais nuit et jour à des commentaires très-fatigants qui me font enfin perdre les yeux.

Si dans de pareilles circonstances j’avais voulu couper en deux la partie de la dot fondée sur les souscriptions, soyez très-sûrs, mes anges, qu’on m’aurait remercié sur-le-champ en se moquant de moi. Le père et la mère de Mme  Dupuits n’y perdront rien ; leur fille les a nourris du bout de ses dix doigts, avant qu’ils eussent été présentés à M. de Fontenelle ; elle ne manquera jamais à son devoir, et j’y mettrai bon ordre. Le contrat est fait dans la meilleure forme possible. Ne troublons point les plaisirs de deux amants, et jouissons tranquillement du fruit de nos peines et de la consolation que me donne Mme  Dupuits dans ma vieillesse.

Permettez-moi de vous supplier encore d’empêcher Philibert Cramer de faire présenter aux spectacles et aux promenades des billets de souscription, comme des billets d’huîtres vertes : l’ami Fréron ne manquerait pas d’en faire de mauvaises plaisanteries dans ses belles feuilles.

On m’a mandé que l’affaire des Calas avait été rapportée par M. de Crosne, et qu’il a très-bien parlé. Je vous assure que toute l’Europe a les yeux sur cet événement.

J’ai lu le Second Appel à la Raison[1]. Je ne sais rien de si insolent et de si maladroit. Les jésuites ont des amis dans le parlement de Bourgogne, mais certainement ils n’en auront plus quand on connaîtra ce libelle. Ils étaient des tyrans du temps du père Le Tellier ; ils ne sont aujourd’hui que des fous.

J’ai un jésuite pour aumônier, mais je donnerais volontiers ma voix pour abolir l’ordre. Je n’ai vu qu’une seule bonne chose dans tout ce qu’ils ont écrit, c’est qu’ils ont prouvé invinciblement ce que j’avais déjà dit[2] dans quelques petites réflexions sur

  1. Nouvel Appel à la raison ; voyez la note tome XXVI, paçe 126.
  2. On ne trouve pas cela dans les Remarques sur Pascal qui sont tome XXII, pages 26 et suiv, ; mais voyez tome XXVI, page 125.