Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/413

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C’est le comble de l’insolence de faire une tragédie après ce grand homme-là. Aussi après lui je ne connais que de mauvaises pièces, et avant lui, que quelques bonnes scènes.

Au nom de Dieu, laissez là votre Adélaïde. Que veut dire ce héros blessé ? à quoi sert sa blessure ? À rien du tout, et je vous répète qu’il est impertinent d’imputer à un prince du sang le crime qu’il n’a point commis : cela seul détruit tout intérêt.

Laissons un peu dormir Zulime ce carême. C’est bien dommage que cette Zulime ressemble à toutes les femmes délaissées qu’on a tant mises sur le théâtre ; sans cela, elle pourrait être passable.

J’aime assez le Droit du Seigneur, je vous l’avoue ; mais je voudrais qu’il y eût un peu plus de ces honnêtes libertés que le sujet comporte, et que les dames aiment beaucoup, quoi qu’elles en disent.

Mariamne est médiocre, malgré mon Essénien[1].

Olympie est prodigieusement supérieure à cette Mariamne, et n’est pas encore trop bonne. Tout m’humilie et me chagrine ; je suis difficile pour moi-même comme pour les autres. Il est dur de sentir la perfection et de n’y pouvoir atteindre.

Ne remplissez pas mes vieux jours d’amertume ; ne me faites point mourir en ressuscitant Adélaïde ; empêchez-moi de boire ce calice ; je vous le demande avec la plus vive instance.

Eh bien ! a-t-on enfin rapporté l’affaire des Calas ? Je vois qu’il est beaucoup plus aisé de rouer un homme que d’admettre une requête. Il me semble que M. de Crosne ne demande pas mieux que de parler, et assurément il parlera bien. J’aurai fait trois ou quatre actes depuis le temps qu’on fait languir cette pauvre veuve. J’avoue que son aventure ne contribue pas à me faire aimer les parlements. Malheur à qui a affaire à eux ! Fût-on jésuite, on s’en trouve toujours fort mal.

Puisque j’ai du papier de reste, il faut que je dise à mes anges que j’ai jugé les jésuites. Il y en avait trois chez moi, ces jours passés, avec une nombreuse compagnie. Je m’établis premier président ; je leur fis prêter serment de signer les quatre propositions de 1682, de détester la doctrine du régicide, du probabilisme, de renoncer à tout privilège contraire à nos lois, et d’obéir au roi plutôt qu’au pape. Ils firent serment, après quoi je prononçai :

  1. Dans la nouvelle version de Mariamne, Sohème, prince de la race des Asmonéens, remplaçait Varus.