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5211. — À M.  DAMILAVILLE.
Le 2 mars.

En réponse à la lettre de mon cher frère, du 23 février, je lui dirai : Mes frères, il ne faut pas calomnier les malheureux, surtout quand on n’a pas besoin de leur imputer des crimes. Vous devez vous apercevoir que je n’ai pas ménagé les jésuites ; mais je soulèverais la postérité en leur faveur si je les accusais d’un crime dont l’Europe et Damiens les ont justifiés. Je ne puis et ne dois dire que ce qui est dans le procès. J’ai rempli le devoir d’historien, et je ne serais qu’un vil écho des jansénistes si je parlais autrement.

Comment pouvez-vous dire que l’inf… n’a aucune part au crime de ce scélérat ? Lisez donc sa réponse : C’est la religion qui m’a fait faire ce que j’ai fait[1]. Voilà ce qu’il dit dans son interrogatoire : je ne suis que son greffier.

Mon cher frère, je hais toute tyrannie, et je ne serai jamais ni jésuite, ni janséniste, ni parlementaire.

J’avais depuis longtemps l’énorme compte du procureur général de Provence[2] : j’ai une bibliothèque entière des livres faits depuis trois ans contre les jésuites. Dans quelque temps on ne se souviendra plus de tous ces livres, et l’on dira seulement : Il y eut des jésuites. Je suis honteux de demander toujours des livres, et de vous fatiguer de mes importunités ; je crois que j’aurai bientôt une bibliothèque aussi nombreuse que celle de M. le marquis de Pompignan[3].

On a oublié, ce me semble, dans les petites plaisanteries que mérite Simon Lefranc, la guerre éternelle qu’il a jurée aux incrédules, dans le village de Pompignan. Remercions bien Dieu de l’excès de son ridicule. Je vous réponds que si ce petit président des aides de province n’était pas le plus impertinent des hommes, il serait le plus dangereux.

Il y a bien une autre bouffonnerie de ce Simon. Vous savez sans doute l’aventure du garde des sceaux, du secrétaire Carpot, et des lettres patentes[4] ; cela est délicieux, et l’emporte sur tout le reste.


Et vive le roi, et Simon Lefranc !


Écr. l’inf.
  1. Voyez tome XV, page 393.
  2. Par Ripert de Monclar ; voyez page 166.
  3. Voyez tome XXIV, page 459.
  4. Voyez tome XXIV, page 455.