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5274. — À M.  LE DUC DE PRASLIN[1].

Permettez que je vous informe de ce qui vient de m’arriver avec M. Mac-Cartney, gentilhomme anglais très-jeune, et pourtant très-sage ; très instruit, mais modeste ; fort riche et fort simple ; et qui criera bientôt en parlement mieux qu’un autre. Il m’a nié que vous eussiez des bontés pour moi : je me suis échauffé, je me suis vanté de votre protection. Il m’a répondu que si je disais vrai, je prendrais la liberté de vous écrire. J’ai les passions vives. Pardonnez donc, monseigneur, au zèle, à l’attachement, et au profond respect du vieux montagnard.


5275. — À M.  HELVÉTIUS.
Le 1er mai.

Voici, mon illustre philosophe, un gentilhomme anglais très-instruit, et qui par conséquent vous estime.

Je me suis vanté à lui d’avoir quelque part à votre amitié : car j’aime à me faire valoir auprès des gens qui pensent. M. Mac-Cartney pense tout comme vous. Il croit, malgré Omer et Christophe, que si nous n’avions point de mains[2], il serait assez difficile de faire des rabats à Christophe et à Omer, et des sifflets pour les bourdons de Simon Lefranc, favori du roi, etc., etc., etc.

Il trouve notre nation fort drôle ; il dit que sitôt qu’il parait une vérité parmi nous, tout le monde est alarmé comme si les Anglais faisaient une descente.

Puisque vous avez eu la bonté de rester parmi les singes, tâchez donc d’en faire des hommes. Dieu vous demandera compte de vos talents. Vous pouvez plus que personne écraser l’erreur, sans montrer la main qui la frappe. Un bon petit catéchisme[3] imprimé à vos frais par un inconnu, dans un pays inconnu, donné à quelques amis qui le donnent à d’autres ; avec cette précaution, on fait du bien et on ne craint point de se faire du mal, et on se moque des Christophe, des Omer, etc., etc.

Jean-Jacques dit, à mon gré, une chose bien plaisante, quoique géométrique, dans sa Lettre à Christophe, pour prouver que, dans


  1. Ce fragment, qui était placé à la fin de 1763, me paraît du 1er mai de cette année. Voltaire parle de Mac-Cartney dans ses lettres à Helvétius et à d’Alembert, du 1er mai. (B.)
  2. De l’Esprit, discours I, chapitre i.
  3. Catéchisme de l’honnête homme ; voyez tome XXIV, page 523.