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Si vous lui écrivez, vous voilà au fait.

Mille compliments à M. de Végobre.


5290. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 19 mai.

Je reçois la lettre et le paquet, du 14 de mai, de mes anges. Non vraiment, ils ne sont point exterminateurs, et je les rétablis dans leur titre naturel, et dans leur dignité d’anges sauveurs. Ils ont daigné prendre le seul parti convenable ; je les remercie également de leurs bontés et de leur peine. Il est vrai que vous en aurez beaucoup, mes divins anges, à empêcher que l’Europe ne trouve les querelles pour les billets de confession, et pour une supérieure de l’hôpital[1], extrêmement ridicules. On n’avait parlé de ces misères que pour faire voir combien les plus petites choses produisent quelquefois des événements terribles. Il y a loin d’un billet de confession à l’assassinat d’un roi, et cependant ces deux objets tiennent l’un à l’autre, grâce à la démence humaine. C’était ce qu’il fallait faire sentir dans une histoire qui n’est que celle de l’esprit humain, et, sans cela, on aurait abandonné au mépris et à l’oubli toutes ces petites tracasseries passagères, qui ne sont faites que pour le recueil D ou le recueil E[2].

Je vous avoue que je suis un peu étonné des remarques que vous m’avez envoyées ; l’auteur de ces remarques semble marquer un peu d’aigreur. Est-il possible qu’il puisse me reprocher de n’avoir pas nommé, dans plusieurs endroits, un conseiller[3] auquel je suis très-attaché, et dont je rapporte une belle action[4], quoique étrangère à mon sujet ? Aurait-il fallu que je le nommasse dans ce vaste tableau des affaires de l’Europe, lorsque je ne nomme pas M. le duc de Praslin, à qui nous devons la paix, et que je me contente de dire : Deux sages crurent la paix nécessaire, la proposèrent, et la firent[5] ? En vérité la plupart des hommes

  1. Voyez tome XV, page 378.
  2. Le Recueil, A, B, C, etc., dont il est parlé tome XLI, page 154, est une réimpression de pièces plus ou moins rares, plus ou moins curieuses.
  3. L’abbe de Chauvelin.
  4. Cette belle action était d’avoir fonde une messe à perpétuité pour remercier Dieu d’avoir conservé la vie du roi (Louis XV), qui l’exilait ; voyez tome XV, page 394.
  5. Cette phrase se lisait, en 1763, à la page 338 du tome VIII de l’Essai sur l’Histoire générale. En reproduisant dans son Précis du Siècle de Louis XV le chapitre où elle se trouvait, Voltaire la changea ; voyez tome XV, page 373.