Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/238

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mourir les Piémontais. Je me flatte que les ambassadeurs n’ont rien à craindre, et que l’épidémie respecte le droit des gens.

J’ai eu l’honneur de voir votre ami, que vous avez bien voulu charger d’une lettre pour moi. Il m’a paru digne de votre amitié.

Que Vos Excellences reçoivent avec amitié les respects du Vieux de la montagne.


5660. — À M.  COLINI.
Aux Délices, 28 mai.

Mon cher confrère en historiographie, je crois que vous avez été très-content de notre confrère M. Mallet[1], qui s’en va historiographer le landgraviat de Hesse. Je vous présente toujours quelque étranger : en voici un[2] qui a une autre sorte de mérite ; mais vraiment il n’est point étranger à Manheim ; c’est un Palatin : il est vrai qu’il est réformé, et qu’il demande une cure réformée. Vous ne vous mêlez pas de ces œuvres pies ou impies, ni moi non plus. Il m’est fortement recommandé, et je vous le recommande autant que je peux. Dites-lui du moins comment il faut s’y prendre pour obtenir l’honneur de brailler en allemand pour de l’argent ; indiquez-lui la route qu’en vérité je ne connais pas. Je vous écris de ma main ; mais c’est avec une difficulté extrême : ma fluxion s’est jetée sur la gorge, et m’empêche de dicter. Je ne sais pas comment je suis en vie avec tous les maux qui m’assiégent : ils n’ont point encore pris sur l’âme, et ils laissent surtout des sentiments à un cœur qui est à vous.


5661. — DE MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT[3].
Paris, lundi 29 mai 1764.

Non, monsieur, je ne préférerais pas la pensée à la lumière, les yeux de l’âme à ceux du corps. Je consentirais bien plutôt à un aveuglement total. Toutes mes observations me font juger que moins on pense, moins on réfléchit, plus on est heureux ; je le sais même par expérience. Quand on a eu une grande maladie, qu’on a souffert de grandes douleurs, l’état où l’on se

  1. Voyez page 171.
  2. Sur la recommandation de Voltaire, Hilspach fut fait ministre réformé à Baumenthal. (Note de Colini.)
  3. Correspondance complète de la marquise du Deffant, publiée par M. de Lescure, 1865.